1966/10/27a • André Malraux : «Intervention à l’Assemblée Nationale, 27 octobre 1966, 1re partie»

André Malraux

 

Intervention à l'Assemblée Nationale, 27 octobre 1966 (1re partie)

Présentation du budget des Affaires culturelles

 

Extraits :

 

M. Becker a dit que les maisons de la culture n’étaient pas seulement françaises. Je me permets une légère correction. Elles sont nées en France. Prenons garde aux mots. L’expression « maison de la culture » est originellement russe. Mais les maisons de la culture russes, comme les maisons de la culture égyptiennes, n’ont rien de commun avec les nôtres. Elles ont leur existence, tout à fait digne de respect d’ailleurs, mais elles sont autre chose.

Quand vous allez à Amiens et que vous voyez la maison de la culture, vous vous demandez s’il y a, en Égypte ou en Russie, une ville de 120'000 habitants dont 10'000 sont abonnés pour venir voir jouer Le Bourgeois gentilhomme ? La réponse est non, parce que dans ces pays, ce qu’on fait généralement, c’est un monument assez beau avec une salle de cinéma gratuite, qui est toujours pleine, et une exposition sur les produits et les efforts de la région.

Il s’agit donc d’une sorte de jeux de mots. Ce que nous appelons, nous, des maisons de la culture, ce sont des créations que seule, jusqu’à présent, la France possède. Les ministres de telle ou telle grande puissance voisine viennent les visiter à titre privé, mais ce n’est pas moi qui vais visiter les leurs !

…………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Il faut bien comprendre qu’un fait extrêmement mystérieux se produit aujourd’hui dans le monde entier : les peuples sont en train de demander la culture, alors qu’ils ne savent pas ce que c’est.

Il se trouve que nous avons, les premiers, osé tenter cette chance. Je dis tenter cette chance, parce que, Mesdames, Messieurs, quand nous sommes allés à Bourges, pas un d’entre nous ne pensait que dans cette ville où Marie Dorval n’avait pas pu jouer Victor Hugo parce qu’il n’y avait pas assez de public, il y aurait deux fois plus d’abonnés qu’à la Comédie-Française. Quand nous sommes allés à Amiens, nous pensions avoir 1'200 abonnés: il y en a 10'000 ! Et à Belleville. dans un coin qui est misérable, mais où l’équipe qui y travaille y travaille admirablement – j’espère bien d’ailleurs que dans les cinq ans à venir nous aurons un autre palais de Chaillot à Belleville ou à Ménilmontant – nous avons cru qu’il y aurait 1'000 ou 1'500 abonnés. Nous en sommes à 20'000 en six semaines.

La maison de la culture est en train de devenir – la religion en moins – la cathédrale, c’est-à-dire le lieu où les gens se rencontrent pour rencontrer ce qu’il y a de meilleur en eux. Comprenons bien que chaque fois que nous faisons, dans une ville moyenne, une maison de la culture, nous changeons quelque chose d’absolument capital en France.

…………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Je le dis clairement : nous tentons la culture pour chacun.

Cette tentative signifie que nous devrions, dans les dix ans, avoir en France une maison de la culture par département. Avec une maison par département nous ouvrons la France. Alors qu’il coûte extraordinairement cher de faire un ensemble de représentations réparties sur cinq maisons de la culture, il est extrêmement bon marché, quand on a réalisé un prototype, de le multiplier par quatre-vingts.

Par conséquent ne jouons pas à créer une maison de la culture par an bien gentiment ; agissons sérieusement, en sachant, Mesdames, Messieurs, que ce que je vous demande, c’est exactement vingt-cinq kilomètres d’autoroute !

 

 

 

Pour lire l’intégralité du document : télécharger le texte.