art. 132, avril 2012 • Document | Paul Nothomb : «“Malraux était quelqu’un qui suscitait la fraternité, qui élevait l’homme dans sa dignité”» (PAM n° 1, 2001)

Voici la transcription littérale des déclarations faites le 23 février 1999 par M. Paul Nothomb, l'ancien navigateur-bombardier de l'escadrille André Malraux, à l'occasion de l'hommage rendu à l'Institut Cervantes de Paris au réalisateur de Sierra de Teruel.

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Henri Godard : M. Paul Nothomb a été le témoin d'une époque qui n'est pas récente. Il est un participant direct, un compagnon d'arme de Malraux, qui, indirectement, se trouve impliqué dans le film plus qu'aucun d'entre nous. Monsieur Nothomb, vous qui êtes dans l'histoire avant d'être dans sa transposition, pourriez-vous faire part de votre réaction au film, vous qui êtes représenté dans le film et dans le livre, donc vous en tant que témoin de tout premier plan.

Paul Nothomb : Je ne parlerai pas du film, car à ce moment-là j'étais déjà revenu en France, à l'hôpital, avec les derniers combattants de l'escadrille.

J'ai en effet participé à la dernière mission de l'escadrille Malraux, en février 1937, au moment de la chute de Malaga. Nous étions stationnés à Valence et on nous a appelés d'urgence parce que les fascistes venaient de prendre Malaga et il n'y avait aucune résistance devant eux. Nous sommes partis immédiatement à Alméria le lendemain matin. Dès le soir de notre arrivée, on a envoyé deux avions sur la route côtière Malaga – Alméria. Aux environs de Motril, on a vu tout d'un coup une foule de réfugiés qui marchaient et les fascistes derrière eux, qui marchaient l'arme à la bretelle. Alors, j'ai jeté les bombes sur cette colonne et on est revenu le lendemain matin parce qu'on avait fait ça assez tard. Cette fois-là, nous étions attendus par les Fiat qui étaient au-dessus de la mer. Ils nous ont abattus comme des lapins. On était à deux avions. C'est depuis ce jour-là que je ne peux plus marcher sans me souvenir de la guerre d'Espagne, que je le veuille ou non par ce que je traîne la patte à cause de cela.

Donc, pour moi, l'Espagne a été un grand moment de ma vie et surtout par le fait de ma rencontre avec André Malraux. Là, je voudrais dire, je vais tout à fait dans le sens de Jorge Semprun, Malraux a fait éclater son génie en Espagne. Ce qui frappait dans l'homme, c'était son intelligence, sa lucidité, sa rapidité de réaction, c'était un génie qui avait en même temps la capacité intellectuelle de l'exécution, parce que cette escadrille, il l'a non seulement conçue, mais il l'a réalisée, il l'a conduite où il voulait. J'avais 22 ans en le rencontrant, lui, en avait 35 et je pense que c'était le sommet de sa vie : c'est-à-dire le moment où il était le plus lui-même, parce qu'en même temps il avait une grande idée et il l'a réalisée. On a assez reproché à Malraux d'avoir fabulé au sujet de la révolution chinoise, etc. Ici je peux dire qu'il y a participé et que non seulement il y a participé, mais que cette escadrille, c'est son œuvre et c'est un reflet de sa personne parce que la conception était géniale, l'efficacité était atteinte.

 

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© Présence d’André Malraux sur la Toile / www.malraux.org

Texte mis en ligne le 22 avril 2012.

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