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Article 4, décembre 2007 • Walid Saket : «La représentation de la forêt chez Chateaubriand»

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|e-cahiers littéraires, article n° 4, décembre 2017

 

Walid Saket

Docteur en Littérature et Civilisation Françaises                                                                 Inédit

 

 

La représentation de la forêt chez Chateaubriand :

de la traversée à la rencontre du sublime et du sacré

 

 

Introduction 

Etudier la représentation de la forêt chez Chateaubriand, c'est essayer de dégager la façon particulière que celui-ci suit pour aborder ce motif littéraire consubstantiel à son œuvre. Nous pourrons partir de cette idée : « La Nature n'a de sens que comme l'antithèse vivante du système social. Elle n'est affectivement ou symboliquement valable qu'en état de virginité et de liberté native. »

Le Scanff, auteur de cette phrase, nous met au cœur de la pensée de Chateaubriand quant à la nature, vierge et espace où l'âme du poète s'épanouit pour en épouser les mystères et en savourer les délices. Chateaubriand, grand amateur de la nature trouve dans la forêt tout ce qui satisfait son goût du Nouveau. Ainsi l'évoque-t-il comme un parcours initiatique allant de la traversée exploratrice à la révélation du sacré. La grandeur de ce spectacle naturel déchaîne la parole poétique et mène l'auteur à en traduire la beauté et le mystère de manière à nous en rendre une représentation exacte. Non loin de Rousseau, Chateaubriand, manifeste un sentiment de nostalgie de la nature primitive en toute sa splendeur et en toute sa pureté virginale. Dans ce même esprit l'on étudiera dans un premier temps « La traversée de la forêt » telle qu'elle est exprimée dans ses œuvre notamment dans « Voyage en Amérique ». En second lieu, nous traiterons de la forêt comme espace favorisant un retour aux sources du langage primitif et renouvelé. Dans la troisième partie de notre travail nous allons essayer de démontrer comment la forêt signifie pour Chateaubriand l'espace propice à l'évasion et à la rêverie. La dernière partie sera traitée comme le résultat de celles qui la précèdent ; l'on y verra comment la forêt devient le lieu de la découverte du Sacré. On a tenté de suivre l'itinéraire de Chateaubriand allant de la simple contemplation c'est-à-dire de la simple observation déclenchée par « la traversée des forêts mystérieuses » à la méditation réflexive où la forêt devient un parcours favorisant la quête de la vérité.

 

La traversée de la Forêt 

L'idée de traversée implique une certaine contemplation, une certaine errance, voire un mouvement de déplacement dans cet espace opaque et clos de la forêt. Il implique aussi que l'espace à explorer est complexe et ambivalent, suscitant la stupéfaction du contemplateur. « Qui dira le sentiment qu'on éprouve en entrant dans ces forêts aussi vieilles que le monde, et qui, seuls, donnent une idée de la création telle qu'elle sortit des mains de Dieu ? Le jour, tombant d'en haut à travers une voile de feuillage, répand dans la profondeur du bois, une demi-lumière changeante et mobile, qui donne aux objets une grandeur fantastique. Partout, il faut franchir des arbres abattus, sur lesquels s'élèvent d'autres générations d'arbres. Je cherche en vain une issue dans ces solitudes : trompé par un jour plus vif, j'avance à travers les herbes, les orties, les mousses, les lianes, et l'épais humus composé de débris de végétaux ; mais je n'arrive qu'à une clairière formée par quelques pins tombés, bientôt la forêt devient plus sombre ; l'œil n'aperçoit que les troncs de chênes et de noyers qui se succèdent les uns les autres. »

Le jour qui « tombe » « d'en haut » indique que le lieu traversé est complexe et opaque, puisque la lumière y pénètre difficilement. Et vu que la lumière vient « d'en haut », l'intérieur de la forêt paraît sombre et confus.

Des mots tels que « voile », « profondeur », « demi-lumière », expriment bien cet aspect sombre de la forêt. De surcroît, la traversée de ce lieu s'avère difficile : le narrateur semble égaré dans les feuillages et les arbres qui s'enchevêtrent inextricablement. Cela indique implicitement que ces forêts « vierges », « sauvages » dans le sens qu'elles ne sont pas fréquentées par les hommes. Cet aspect sauvage de la forêt, où tout s'entremêle rend leur pénétration ou leur exploration par le narrateur plus difficile. Chateaubriand exprime la difficulté de la traversée de la forêt de ce milieu confus dans ce passage : « Partout, il faut franchir des arbres abattus, je cherche en vain une issue dans ces solitudes »

La forêt s'avère péniblement pénétrable vu son désordre et sa complexité. C'est un espace extrêmement serré sur lui-même, « touffu », comme si la forêt se défendait contre les pas de l'être humain. Ce lieu, tel qu'il se présente à travers le passage cité ci haut, est plein d'obstacles. C'est pourquoi le narrateur semble piégé et complètement perdu. La périphrase verbale « il faut franchir » traduit bien cette difficulté et cette gêne qu'éprouve le narrateur la traversant. Et plus il avance dans ce lieu impénétrable, chaotique et sombre, plus sa traversée devient dure : « bientôt la forêt redevient plus sombre ». Le manque de lumière ainsi que l'ordre compliqué des arbres et des végétations concourent pour compliquer la traversée du narrateur.

 

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