D/1960.04.04 — André Malraux : «Inauguration de l’expostion “Les trésors de l’Inde”, le 4 avril 1960»

André Malraux, «Avant-propos», in Trésors de l'art de l'Inde, catalogue de l'exposition organisée au Petit Palais d'avril à juin 1960, avant-propos de Jawaharlal Nehru et d'André Malraux, préface de Suzanne Kahn, introduction de Louis Renou. Paris, 1960.


 

André Malraux

 

Avant-propos. Inauguration de l'exposition « Les trésors de l'Inde »

Petit Palais le 4 avril 1960

 

Voici donc la plus saisissante exposition d'art indien qu'ait connue l'Europe : l'art d'un continent plutôt que d'une nation – dans sa permanence, toujours reconquise par la terre de l'Absolu.

Gardons-nous surtout de chercher, dans ces statues, des interprétations plus ou moins idéalisées des vivants : presque toutes appartiennent au sacré ou au légendaire, que l'Inde mêle d'instinct. Ses artistes doivent créer ce qui n'existe pas sur terre, ce qui ne saurait y exister. Ils nous apportent, reines d'un inépuisable conte de fées métaphysiques, quelques formes suprêmes qui ressemblent aux hommes, mais auxquelles les hommes ne ressemblent pas. Depuis trop longtemps, cette sculpture n'était, pour l'Occident, à l'exception des spécialistes, qu'exotisme ou luxe; il est temps qu'il y reconnaisse la voix qu'il entendra en découvrant ce qui unit ces déesses à la musique et à la danse nées avec elles – non en les comparant à des femmes.

Maintes œuvres exposées ici : les deux Bouddha de Sarnath, le Civa dansant d'Ujjain, bien d'autres, furent l'expression – et le moyen – d'une communion sans égale de l'homme avec le cosmos. L'Europe, au siècle dernier, n'eût éprouvé pour elles que de la curiosité; contemplons-les, vivantes d'une vie mystérieuse, assurées – comme naguère celles du Mexique au Musée d'Art moderne – de l'accueil d'une foule. Au moment ou l'Unesco lance un appel au monde pour sauver les temples de la Nubie menacés par le barrage d'Assouan, les chefs-d'œuvre que voici s'unissent à ceux des temples de l'Egypte, de l'Orient, de la Grèce, de l'Amérique précolombienne, des grottes chinoises et de nos cathédrales, pour composer le Trésor artistique de la civilisation mondiale qui commence avec nous. « – Quel rôle l'art de l'Inde peut-il jouer selon vous dans cette civilisation ? me demandait, à New-Delhi, Monsieur Nehru. – Celui d'un irremplaçable ferment.»

 

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A New Delhi en 1965 (Musée national)

 

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A Bénarès en compagnie de Sophie de Vilmorin, en 1973