D/1961.05.08 — «Discours d’Orléans prononcé en l’honneur de Jeanne d’Arc»

Discours
prononcé par Monsieur André Malraux
Ministre d’Etat
à l’occasion des fêtes de Jeanne d’Arc
le 8 mai 1961 à Orléans.

 

Le Gouvernement a souhaité qu'aujourd'hui son représentant ne prenne la parole que pour un hommage à la seule figure de notre histoire sur laquelle se soit faite l'unanimité du respect.

La fidélité qu'Orléans, Orléans seule, lui a témoignée à travers les siècles, a fait oublier que Jeanne d'Arc est l'objet d'une aventure unique :  la tardive découverte de sa personne n'affaiblit pas sa légende, elle lui donne son suprême éclat. Pour la France et pour le monde, la petite sœur de saint Georges devint Jeanne vivante par les textes du procès de réhabilitation : par ses réponses de Rouen, par le rougeoiement sanglant du bûcher.

Nous savons aujourd'hui qu'à Chinon, ici-même, à Reims, à la guerre, et même à Rouen, sauf pendant une seule et atroce journée, elle est une âme invulnérable. Ce qui vient d'abord de ce qu'elle ne se tient que pour la mandataire de ses voix : «Sans la grâce de Dieu, je ne saurais rien faire». On connaît la sublime cantilène de ses témoignages de Rouen : «La première fois, j'eu grand peur. La voix vint à midi ; c'était l'été, au fond du jardin de mon père… après l'avoir entendue trois fois, je compris que c'était la voix d'un ange… Elle était belle, douce et humble ; et elle me racontait la grande pitié qui était au royaume de France… Je dis que j'étais une pauvre fille qui ne savais ni aller à cheval ni faire la guerre… Mais la voix disait : “Va, fille de Dieu”…»

Certes, Jeanne est fémininement humaine. Elle n'en montre pas moins, quand il le faut, une incomparable autorité. Les capitaines sont exaspérés par «cette péronnelle qui veut leur enseigner la guerre». La guerre ? Les batailles qu'ils perdaient et qu'elle gagne… Qu'ils l'aiment ou la haïssent, ils retrouvent dans son langage le «Dieu le veut» des Croisades. Cette fille de dix-sept ans, comment la comprendrions-nous si nous n'entendions pas, sous sa merveilleuse simplicité, l'accent incorruptible avec lequel les Prophètes tendaient vers les rois d'Orient leurs mains menaçantes, et leurs mains consolantes, vers la grande pitié du royaume d'Israël ? Avant le temps des combats, on lui demande : « Si Dieu veut le départ des Anglais, qu'a-t-il besoin de vos soldats ?» – «Les gens de guerre combattront, et Dieu donnera la victoire.» Ni saint Bernard ni Saint Louis n'eussent mieux répondu.

 

Pour lire le texte de Malraux : télécharger le document.

On peut aussi consulter la version annotée et commentée des deux discours que Malraux a prononcés en l’honneur de Jeanne d’Arc (Orléans, 1961, et Rouen, 1964). Les textes sont précédés d’explications bibliographiques, d’une bibliographie thématique et d’une chronologie des faits évoqués par Malraux. Ils sont suivis de notes explicatives. Télécharger ces textes.

 

 

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 Malraux à Orléans ce 8 mai 1961.

On peut entendre ici un extrait du discours sur un document de l’INA. (Veuillez nous excuser de vous infliger des séquences publicitaires entourant l’enregistrement de Malraux. (L’INA a choisi cette pratique pour diffuser en ligne la plupart de ses documents audio-visuels.)

 

 

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Dessin de Clément Fauquembergue,
greffier au Parlement de Paris, vers 1429.
Le dessinateur n’avait jamais vu Jeanne. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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 Portrait de Jeanne d’Arc en armure, huile sur toile, entre 1450 et 1500. Archives nationales, Paris.