E/1944.09.30 — André Malraux : «A l’écoute du colonel Lawrence»

«A l'écoute du colonel Lawrence», fragment d'un entretien accordé à James Ellinger, Carrefour [Paris], 30 septembre 1944, p. 5.


 

André Malraux

 

A l'écoute du colonel Lawrence

 

Les déclarations de Malraux :

«Ce qui compte, c'est de faire la guerre puisque la guerre n'est pas finie. Je me bats pour mes idées comme je l'ai toujours fait, je veux la destruction et l'anéantissement des méthodes fascistes et nazies, celle de la Gestapo qui en est l'émanation; jusque-là je n'écrirai pas une ligne.

«Je commande à une demi-brigade composée de plusieurs milliers d'Alsaciens-Lorrains; avec eux, j'entrerai à Strasbourg et je veux entrer en Allemagne. Vous devez vous rendre compte des sentiments qui les animent; certains sont venus de loin, de Périgueux, de Bayonne même; ils sont arrivés les semelles usées par la marche, parfois harassés, fourbus, mais animés d'une foi d'autant plus solide qu'elle est basée sur la haine. On leur a tout pris : d'abord leurs fermes et leurs maisons, mais, en outre, leur nationalité puisque les Allemands leur ont aussi volé l'honneur d'être Français; ils ont été les premiers maquisards, ceux de 40.

«Nous manquons de tout. Certes, les Américains m'accordent généreusement ce qu'ils peuvent m'offrir, mais je ne puis ni ne veux sans cesse solliciter. Peu importe : mes hommes comme je vous l'ai dit, mes hommes qui peinent dans la pluie et la boue, souvent sans capotes, sont animés d'un idéal qui supplée à tout.

«Et la France. Elle a à sa tête un homme qui, lui aussi, a la foi. Je suis sûr du général de Gaulle, je suis sûr qu'il remplira sa mission. La situation actuelle est, dans son ensemble, impossible à juger, il faudrait le recul nécessaire : l'Histoire ne s'écrit pas sur place.»

……

«Il y a peut-être des critiques à faire, me dit-il, mais notre pays n'a jamais eu de gardiens de prison, il a toujours eu des soldats et c'est mieux.»

 

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