| e-cahiers littéraires, article 2, mars 2016

Inès Khemiri  «Théâtre et “roman familial” dans les dernières pièces de Jean Anouilh»

/

Inédit

/

Les dernières pièces de théâtre de Jean Anouilh, notamment Cher Antoine ou l’Amour raté (1969), Ne réveillez pas Madame (1970), Tu étais si gentil quand tu étais petit (1972) ou L’Arrestation (1975), qui montrent souvent un auteur dramatique dirigeant une troupe de comédiens avec lesquels il entretient des rapports difficiles – ont pu séduire le public et les critiques par la richesse de leur palette dramatique. Commentant cette originalité des pièces de Jean Anouilh où la théâtralité est particulièrement mise en avant, Pol Vandromme écrivait déjà en 1965 : «Comment dire ? Ce ne sont pas seulement des pièces de théâtre ; ce sont des pièces sur le théâtre, et même quelques fois des pièces dans le théâtre.» Cela est tout à fait vrai. Néanmoins, il convient de ne pas trop se laisser trop éblouir par ce que Pierre Brunel a appelé le «jeu pirandellien», et prêter aussi l'oreille au drame poignant qui semble se jouer en arrière-plan cette envoûtante machinerie théâtrale. Cet «Opéra intime», comme l'aime appeler Anouilh, et qui semble avoir partie liée à ce qu'on appelle depuis Freud, le «roman familial», est suggéré par le retour d'images obsédantes et par la répétition de situations dramatiques complexes, appelée par le jeu du théâtre dans le théâtre. Il semble révéler une carence affective que rien ne semble avoir pu combler et dévoiler une «blessure narcissique», demeurée béante. C'est la trame de ce «roman familial», ses acteurs, sa configuration et ses enjeux que nous voudrions mettre en évidence en tenant compte de la spécificité du langage théâtral.

En effet, sous les scènes d'emprunt et le jeu du théâtre dans le théâtre, surgissent, çà et là, des images obsessionnelles renvoyant à des souvenirs traumatisants que l'auteur n'a pas réussi à chasser entièrement du champ de sa conscience. Sous les mots des autres percent plus poignants que jamais les souvenirs de ses propres maux, de son mal de vivre. Comme le souligne Claude-Gilbert Dubois, la scène théâtrale n'est pas régie par le principe du réel mais par le principe de l'imaginaire, et met moins en scène des objets mimétiques que des «objets-passions» : «La représentation est l'extériorisation de l'univers intérieur d'un auteur et des personnages qui l'habitent à l'égard d'un public qui intériorise à son tour décors, drames et passions représentées. Les objets représentés à la vue s'allégorisent et éveillent d'autres objets-passions, volontés, désirs- avec lesquels ils interfèrent et communient dans l'émotion théâtrale […]

/

Pour lire la suite de l’étude, télécharger le texte.

 

euryd Anouilh

 

49              68