Jules-Albert Jaeger : «Un mot sur la Brigade [Alsace-Lorraine] et son chef»

Jaeger, Jules-Albert : «Un mot sur la Brigade et son chef», L'Alsace française,  nouvelle série, n° 1, octobre 1948: «La Brigade Alsace-Lorraine», p. 4-5.


  

Jules-Albert Jaeger

Un mot sur la Brigade et son chef

 

Dans le sud marocain, au cours d'une brève escale de voyageur, par une lumineuse et paisible journée d'octobre 1948, prendre son stylo et tracer quelques souvenirs de l'automne 1944, liés à la naissance et à l'action de la «Brigade Alsace-Lorraine», quelle gageure, en tout cas quel contraste ! Tant de choses se sont passées depuis cette époque inouïe, où les Français, les Alsaciens se sont repris à respirer…, à espérer aussi. Les désillusions du présent, si fréquentes, ne doivent pas faire oublier qu'à cette époque, durant un long et magnifique moment, la France s'est trouvée portée au-dessus d'elle-même, dans un souffle souvent grand et émouvant. Les Alsaciens ont eu leur part, leur belle part, dans cet élan ; ceux de la Brigade Alsace-Lorraine ont eu la plus noble, puisqu'ils mirent à l'œuvre dans la ligne et dans l'espoir du sacrifice.

Celui qui trace ces lignes n'a pas appartenu à la brigade, mais quatre de ses fils et son gendre ont combattu dans ses rangs : un autre de ses fils, trop jeune, a partagé, toutefois, durant la campagne de France, la vie même de deux soldats de la Brigade qui, durant toute cette période, ont été détachés auprès de lui, «bourlinguant» avec lui sur tous les chemins du front, de la route de Paris ou de l'embouchure de l'Escaut à Aschaffenburg, puis à Prague, partout où s'inséraient les forces enfin victorieuses de la Liberté. Il a vu la Brigade à l'œuvre, on peut dire depuis avant sa naissance, – ayant conduit dans sa voiture O. Landwerlin au Q.G. de l'Armée B alors à Aix-en Provence – et jusqu'aux jours où, cantonnant sur les bords du lac de Constance, la vaillante unité se reposa, dans l'atmosphère de la Victoire, de sa campagne de Franche-Comté, des Vosges, d'Alsace, du Palatinat et du Pays de Bade. Que de souvenirs liés à ces contacts : la naissance de la Cie Alsace-Lorraine d'Annecy, son départ vers l'inconnu du plus incertain avenir, et tout le cortège des «retrouvailles», ensuite, de la Brigade, en Franche-Comté, dans un humble groupe de villages près de Besançon, à Remiremont après Ramonchamp, à Courtlevant sur la route marmité de Mulhouse, en ce minuscule village proche d'Altkirch que le bataillon Dopff venait d'occuper : quelle joie, pour ce père alsacien, de se retrouver avec ses cinq fils et son gendre, dans le village libéré depuis un court moment, que, durant les premières heures du jour, il avait vu marmiter, à 2 kilomètres, depuis les fenêtres du second étage de la Sous-Préfecture d'Altkirch, où il avait passé la nuit !

De tels souvenirs, plus émouvants qu'héroïques, s'il s'agit tout au moins de ceux qui furent non-combattants, comptent dans une vie humaine. Plus tard, la Brigade tint, non sans danger, non sans pertes, non sans gloire, le front de Strasbourg un instant sacrifié par le commandement américain. Quelles heures ce furent… Ces soirs du 31 décembre 1944, du 1er janvier 1945, les prévisions étaient sombres : vous vous en souvenez, cher Commandant Dopff, et nos propos nocturnes, en votre petit P.C. si exposé d'un des villages menacés du sud de Strasbourg, furent sans illusions sinon sans foi. Près de vous, les jeunes combattants poursuivaient leur tâche, leur humble tâche de petits soldats peut-être sacrifiés, ignorants de leur grande solitude militaire et faisant face aux inconnues du lendemain dans la simplicité de leur vie sans tapage.

 

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