L. Pierre-Quint : «André Malraux – Prix Goncourt 1933», «Les Nouvelles littéraires»

Léon Pierre-Quint, «André Malraux – Prix Goncourt 1933», Les Nouvelles littéraires, 9 décembre 1933, p. 1-2.


 

Léon Pierre-Quint

 

André Malraux – Prix Goncourt 1933

Extrait :

André Malraux est né à Paris, en 1901. Agé de vingt ans environ, il part pour l'Indochine. Dès cette époque, quoiqu'il n'ait encore presque rien publié, divers amis et critiques le soutiennent. Ce crédit moral, qui lui est fait, aurait pu peser sur lui : il étouffe souvent ceux dont on attend trop d'avance. Son premier ouvrage, un essai, La tentation de l'Occident, ne dépasse pas un cercle limité de lecteurs.

Cependant, André Malraux est retourné en Extrême-Orient. Il a étudié, sur place, le caractère de l'Asiatique; il a connu, là-bas, les types les plus divers, des nationalistes chinois, des révolutionnaires, des anarchistes, des terroristes, au milieu desquels évoluent des émissaires secrets d'Europe, slaves ou anglo-saxons, et des représentants officiels des gouvernements d'Occident. Terre exploitée par les théoriciens des nouveaux systèmes sociaux, terre de la contrebande et de la corruption, de la basse et de la haute politique, des hommes d'affaires besogneux et des puissants industriels, telle apparaît la Chine, la Chine de Shangaï et de Canton, à travers les deux principaux romans de Malraux : Les Conquérants et La Condition humaine. Il a fait paraître également La Voie royale, ouvrage moins réussi, où l'aventure domine, genre auquel l'auteur semble vouloir désormais renoncer.

A Paris, André Malraux est entré, comme directeur artistique, aux éditions de la Nouvelle Revue Française, dont il est devenu un des collaborateurs les plus actifs. C'est lui qui, dans une exposition fort discutée, a révélé l'art greco-bouddhique. En littérature, il a soutenu souvent les tentatives les plus audacieuses, comme celle de Lawrence, par exemple. Il a également parlé efficacement en faveur des écrivains allemands persécutés.

Toujours attiré par l'action, il ne cesse de se déplacer : il a parcouru et étudié la Perse et l'Afghanistan. Il projette, à présent, un voyage d'exploration, en avion, à travers les contrées désertiques et quasi inconnues de l'Arabie.

Grand garçon élancé, au visage anguleux, aux gestes rapides, nerveux, il exprime la décision. On sent dans son regard une ardeur intense, qui est dominée par une rare intelligence. Excellent orateur, il sait, par quelques phrases lancées dans le vif d'un sujet, empoigner un public.

Alors que tant de romanciers, aujourd'hui, se consacrent uniquement à des peintures traditionnelles, décrivent la famille ou les milieux paysans du siècle dernier, André Malraux se place résolument à notre époque. Au cours de mon récent voyage en Europe centrale et dans les Balkans, combien de fois ne m'a-t-on pas interrogé sur le mouvement de la littérature française ! La France a gardé son prestige; si elle déçoit parfois, c'est qu'on attend d'elle des directives, des révélations. André Malraux est un des jeunes romanciers qui a éveillé le plus de curiosité et de sympathie à l'étranger.

 

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Photographie du jeune Chinois utilisée comme couverture du roman.