1934.01.04 — Lettre d’André Gide et d’André Malraux à Goebbels (1934)

André Gide et André Malraux : «A l'aide des acquittés de Leipzig ! Une lettre des écrivains Gide et Malraux au ministre de la propagande Goebbels», L'Humanité, n° 12822, 26 janvier 1934, p. 1.

 

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A l'époque où paraît à Paris La Condition humaine, s'ouvre à Leipzig le procès des «incendiaires du Reichstag» dont le principal accusé est Dimitrov. Malraux prend fait et cause publiquement pour les communistes. Si Dimitrov est acquitté en décembre, les nazis le maintiennent en détention. Aussitôt Gide et Malraux s'activent dans le comité constitué pour obtenir sa libération. C'est exactement dans ce contexte que les deux écrivains se rendent à Berlin, espérant rencontrer Goebbels. Celui-ci se trouvant inopinément à Munich, Gide et Malraux rédigent alors une lettre ouverte au ministre de la propagande du Reich qu'ils remettent au ministère de Affaires étrangères dans la capitale allemande. L'Humanité la publiera le 26 janvier.

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Voici ce document, tel qu'il a paru dans le livre d'Yvonne Davet, Littérature engagée, textes d'André Gide, Paris, Gallimard, 1950, p. 41-42.


Jeudi 4 janvier 1934. Monsieur le Ministre,

A titre de délégués du comité Dimitrov, dont nous avons accepté la présidence, nous sommes venus aujourd'hui de Paris vous demander audience. Apprenant au ministère les circonstances qui vous ont appelé et qui vous retiennent à Munich, permettez-nous de vous écrire ici ce que nous eussions souhaité vous exposer de vive voix.

Le comité Dimitrov s'est constitué dans divers pays, à la suite du verdict de Leipzig, et repose sur le jugement même du tribunal d'Empire.

Nous n'avions accepté la mission de le représenter devant vous, nous tenons à le préciser, que bien assurés de ne représenter ainsi ni une nation, ni un parti politique. Le grand nombre de lettres reçues de tous pays par nos comités rend de jour en jour plus sensible le malaise que fait naître dans toute l'Europe l'attente de votre décision ; nous croyons devoir, en dehors de toute question politique, faire part des sentiments qu'expriment ces communications à l'autorité la plus qualifiée pour les connaître ; nous eussions souhaité pouvoir rapporter, à ceux qui nous délèguent, une réponse de vous relative aux décisions du Reich à l'égard de Dimitrov, Tanev et Popov, espérant qu'elle sera de nature à apaiser leur inquiétude angoissée.

C'est dans cet espoir que nous vous prions, Monsieur le Ministre, de bien vouloir agréer l'expression de notre haute considération.

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