| e-cahiers littéraires, article 1, janvier 2016

Walid Saket : «La quête identitaire dans Les Nourritures terrestres d'André Gide. De la disponibilité féconde aux risques de la multiplicite?» – Inédit.

Suivi de cinq textes littéraires.


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Extraits :

Pour Gide, il faut que le plaisir soit expérimenté, éprouvé et senti pour qu'il puisse lui fournir le goût qu'il en attend. « Nathanaël, que chaque attente en toi ne soit même pas un désir, mais simplement une disposition à l'accueil. »

C'est un appel la disposition totale d'être toujours prêt à recevoir de l'extérieur ce qui réconforte l'âme. Le désir lui-même doit être appréhendé et senti dans son instantanéité, sinon il perd sa saveur et son efficacité. « Ne distingue pas Dieu du bonheur et place tout ton bonheur dans l'instant. » Placer tout le bonheur dans l'instant, c'est préférer la fraîcheur de l'objet du bonheur, liée à son immédiateté, aux désirs déjà passés. Le bonheur est lié à l'instantanéité qui devient le garant du continuel rafraîchissement moral de l'être. Elle garantit le continuel renouvellement. Gide invite Nathanaël à s'abandonner aux lois imperturbables de la Nature dans leur cours naturel : « Regarde le soir comme si le jour y devrait mourir ; et le matin comme si toute chose y naissait. Que ta vie soit à chaque instant nouvelle. » Gide appelle Nathanaël à renouveler sa vision car les choses du monde sont instables, nécessitant par conséquent un constant éveil et une permanente conscience de leur changement. C'est ainsi qu'on tire de la vie les plaisirs inouïs. Face à un monde innombrable, il faut une conscience toujours en disponibilité, toujours en alerte. La disponibilité est liée au perpétuel renouvellement. Si l'on s'arrête longtemps à un objet découvert, on se prive d'un autre qui nous attend et qui serait peut-être délicieux. C'est le nomadisme que prône le narrateur à Nathanaël. « Nathanaël, ne cherche pas, dans l'avenir, à retrouver jamais le passé. Saisis de chaque instant la nouveauté irressemblable et ne prépare pas tes joies.» C'est dire que, pour Gide, le bonheur est le résultat de cette multitude de nouveautés offertes par les instants discontinus et instantanés. « Le rêve de demain est une joie, mais la joie de demain est une autre, et rien heureusement ne ressemble au rêve qu'on s'était fait : car c'est différemment que vaut chaque chose. »


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Des pas sûrs dans un monde obscur

 

Que diras-tu ma belle à cette errance ?

Que diras-tu à cette souffrance

Défiant l'arrogance ?

Faut-il endurer,

Les larmes terrifiées ?

Vas-tu te purifier !

De désirs pétrifiés ?

Que diras-tu ma belle ?

Tant de mots défiant tous les maux ?!

Assez ! Il est temps qu'on se repose

Quitte toutes ces choses !

Ne crie plus !

Notre symbiose est têtue.

Quittons le champ de La bataille !

Assez de failles !

Blessure de l'âme ou du corps

Notre amour n'aura jamais tort.

Souffrance ou errance

Nous en serons la quintessence

Nous y irons en cadence

Quand bien même le désir serait en latence

En dépit des apparences

Loin des viles semences

On osera chanter notre romance

Ne m'ôte pas le courage

De te chérir loin des orages

Là-bas tout près des nuages

On quittera cette rage

Et notre union sera plus sage

Des maux pour te déranger

Des mots pour te venger

Pour t'apprendre à songer

À maudire le rejet

 

Ô ma belle !

Ô ma joie et ma détresse !

Quitte l'habit de prêtresse!

Sois la déesse

D'un monde où tu es l'ivresse

Des pas sûrs

Dans un monde obscur

Ne serait-ce pas l'audace pure ?


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