Max Torrès
«Au ministère, j’attends Max Torrès. Nous étions amis, au temps de la guerre d’Espagne. Secrétaire d’Etat pour la Catalogue, communisant mal vu du parti, ex-psychanalyste. Je l’avais d’abord connu à Pontigny. Emigré en 1938, professeur à l’université de Mexico, puis à Berkeley, où il dirige le séminaire de chimie du cerveau depuis 1958. Je ne l’ai pas revu depuis trente ans.» (Le Miroir des limbes, II, III, Œuvres complètes, t. III, «Pléiade», p. 546.)
*
Trois personnes au moins peuvent être à l'origine du personnage «composite» qu'est Max Torrès : José Bergamin (qui a inspiré Guernico de L'Espoir) que Malraux a revu précisément en mai 1968 ; Jaume Miravittles, «ancien haut commissaire à la propagande du gouvernement autonome de la Catalogne durant la guerre civile» ; Max Aub, assistant de Malraux durant le tournage de Sierra de Teruel et premier éditeur du scénario du film, en 1968. Comme Torrès, Aub s'est exilé au Mexique après la guerre civile ; comme Bergamin, Aub passe par Paris en mai 1968 ; comme Malraux, Aub a le goût du farfelu et de cette forme de mystification qu'est l'usage des procédés de la fiction au sein du réel. D'ailleurs, R. M. Albérès a raison de voir en lui une sorte de Clappique, car s'il ne s'invente pas de personnages, il est lui-même l'invention du personnage de fiction.
Grâce à l'appui soutenu de Malraux, Max Aub a publié en 1961 chez Gallimard un livre étrange : Jusep Torres Campalans. Il s'agit de la biographie d'un peintre catalan né en Espagne (Mollerusa, 1886) et mort au Mexique (province du Chiapas, 1956). Elle est accompagnée du catalogue de ses œuvres (dont l'une, un Portrait de Picasso, est dite appartenir à Malraux). Ces toiles avaient d'ailleurs été exposées à Mexico en juillet 1958, au moment de la première édition (en espagnol) de la biographie du peintre. Cependant elles étaient toutes dues à Aub lui-même qui inventa le peintre, la peinture, la biographie et la critique de l’œuvre. Le tout rassemblé dans un livre dédié à Malraux, qui s’en est certainement souvenu, écrivant les Hôtes de passage.
Une autre exposition des oeuvres de Jusep Torres Campalans se tint à la Bodley Gallery de New York, en octobre et novembre 1962. En été 2003, le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía de Madrid proposa Jusep Torres Campalans. Ingenio de la Vanguardia. (Voir le catalogue dans la bibliographie qui suit.)
José Bergamín | Jaume Miravittles | Max Aub |
Couverture de l’édition de Mexico, 1958 | Couverture du catalogue de Madrid, 2003 | Couverture de l’édition française, due et dédiée à Malraux |
«Portrait de Picasso : 1912 (35 x 25 cm). Crayon sur carton. Propriété d’André Malraux» | Jusep Torres Campalans et Pablo Picasso |
Max Aub : «¿Qué fue de la vida de J. T. C. ? ¿Historia, novela ? ¡ Qué más da !»
cp – 9 juin 2009
Eléments de bibliographie :
- ALBERES, René Marill, «Malraux, des temps héroïques au “temps des limbes”. Dialogues au sommet», Les Nouvelles littéraires, n° 2504, 27 octobre – 2 novembre 1975, p. 2.
- AUB, Max, Jusep Torres Campalans, Mexico, Tezontle, Fondo de Cultura Económica, 1958.
- AUB, Max, Jusep Torres Campalans, Paris, Gallimard, 1961.
- AUB, Max, Jusep Torres Campalans, Barcelone, éd. Lumen, 1970, (coll. «Palabra en el tiempo»).
- CAMP, André, «Max Aub, mon grand frère», L'Avant-Scène. Cinéma, n° 385, octobre 1989, p. 19-21.
- Jusep Torres Campalans, ingenio de la Vanguardia. Catálogo, présentación de Juan Manuel Bonet, textos de Fernando Huici, Eduardo Arroyo y Carlos Pérez, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, 2003. Citation de Max Aub : p. 145.
Présentation :<http://xoomer.virgilio.it/palbani/Aub%20Campalans.html>.
- MALGAT, Gérard, «André Malraux et Max Aub : l'Espagne au cœur de l'amitié», Présence d'André Malraux, n° 1, mars 2001, p. 48-55, et n° 3, printemps 2003, p. 57-69.
- MALGAT, Gérard, «Max Aub et Manuel Azaña, l’écriture au service de la République», article en ligne :
URL : <http://www.arkheia-revue.org/Max-Aub-et-Manuel-Azana-l-ecriture.html>.
- MALGAT, Gérard, André Malraux y Max Aub. La República Española, crisol de una amistad. Cartas, notas y testimonios (1938-1972), traducción de Antoni Cisteró, Lleida, Universitat de Lleida – Pagès editors, 2011. Voir la première et la quatrième de couverture du livre.
Télécharger la préface.
- MALRAUX, André, «Entretien. Pierre Desgraupes fait le point avec André Malraux», Le Point, 10 novembre 1975. P. 185 : «Tout est réel, mais le personnage est composite.»
- MENDIBOURE, Jean-Michel, «Biobibliographie» in Florence Delay et Dominique Letourneur [édit.], José Bergamin, Paris, 1989, Centre Pompidou, (coll. «Cahiers pour un temps»).
- MIRAVITLES, Jaume, «Malraux et la Catalogne», Espoir, n° 19, juin 1977, p. 36-37 ; «Quelques souvenirs d'Espagne», in Michel Cazanave [édit.], André Malraux, Paris, 1982, L'Herne, (coll. «Cahiers de l'Herne», no 43), p. 181-183.
En attendant un article sur Max Aub, voir ces liens :
– Max Aub cinéaste, [même si on y lit cette phrase consternante : «Espoir – Sierra de Teruel est un film de fiction assez maladroite qui ressemble plus à un documentaire.» Bon, Jean-Luc Godard est d’un avis tout opposé.]
– Max Aub cinéaste, [même si on y lit cette phrase consternante : «Espoir – Sierra de Teruel est un film de fiction assez maladroite qui ressemble plus à un documentaire.» Bon, Jean-Luc Godard est d’un avis tout opposé.]
– Fondatión Max Aub, Valence (E).
© «www.malraux.org», Présence d’André Malraux sur la Toile, 2009.