La Méditerranée est au cœur de l'existence de Jean Genet. Dès son enfance, il part, fugue, s'évade, s'engage dans l'armée, déserte et vagabonde. Ces errances clandestines nourrissent une large part de ses livres et sont prolongées, après sa sortie de prison et l'accès à la notoriété, par le voyage. Berceau des premières expériences et abri lumineux de la fin de sa vie, la Méditerranée est le pôle magnétique de sa trajectoire, celui auquel il revient obstinément.
Cet ouvrage, catalogue de l'exposition Jean Genet, l’échappée belle présentée au Mucem, propose de retracer la marche de Jean Genet à travers trois œuvres inscrites dans la géographie méridionale : Journal du voleur, Les Paravents et Un captif amoureux, et avec elles l’Espagne des premières années, l’Algérie du théâtre et le Moyen-Orient de l’engagement politique. Au centre du livre, comme au cœur de l’exposition qui s’articulera autour d’elle, on trouve la figure du seul homme que Genet ait jamais admiré, Alberto Giacometti.
Grâce à des images d'archives inédites, des photographies, des correspondances et des extraits de ses manuscrits, cet ouvrage invite à suivre Genet au cœur de l’Espagne, de l’Algérie et du Moyen-Orient.
Sous la direction d'Emmanuelle Lambert, commissaire de l'exposition, avec des textes de Philippe Artières, Patrick Autréaux, Arno Bertina, Sonia Chiambretto, Albert Dichy, Emmanuel Pinto et Oliver Rohe.
Le catalogue réunit des textes littéraires inédits d’écrivains contemporains, parmi lesquels l’éditeur des textes posthumes de Genet et de son théâtre dans La Pléiade (Albert Dichy) et des membres du collectif Inculte (Arno Bertina, Oliver Rohe).
L'ouvrage présente de nombreux documents inédits, dont des extraits du dossier de Genet aux Renseignements généraux (dérogation exceptionnelle), des extraits de son dossier de pupille de l’Assistance publique, des archives de la Justice militaire et des prisons, des manuscrits issus des archives de Gallimard, de l’IMEC et de la fondation Giacometti, et des photographies.
Ce livre a été dessiné par Philippe Millot, designer indépendant et enseignant en typographie et en design graphique à l'ENSAD, Paris et à l'ANRT. Il est membre de l'Alliance graphiste internationale et a été pensionnaire de la Villa Médicis en 2009 et 2010.
Dans Le Monde du 17 mai, Philippe Dagen met fort judicieusement en évidence certains aspects peu reluisants de la pensée de J. Genet, que l’exposition semble avoir tout à fait oubliées : ses déclarations pro-soviétiques et antisionnistes, voire son antisémitisme que Sartre avait déjà pressenti en 1952.
Philippe Dagen, «Jean Genet, sanctifié à Marseille. Au Mucem jusqu’au 18 juillet, une exposition consacre l’écrivain, mais passe sous silence ses zones d’ombres», Le Monde, 17 mai 2016, p. 13.
Du 15 avril au 18 juillet 2016
Mucem – AU FORT SAINT-JEAN – Bâtiment Georges Henri Rivière (GHR)
Commissariat : Albert Dichy, directeur littéraire de l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC)
Emmanuelle Lambert, écrivain, directrice d'ouvrage du catalogue de l'exposition (coédition Mucem-Gallimard)
Scénographie : Olivier Bedu, Struc Archi
Il y a trente ans disparaissait Jean Genet, le plus flamboyant et le plus rebelle des écrivains du XXème siècle. A ce poète de la liberté et de l’ailleurs, qui commença son œuvre en prison et l’acheva sur les rives du Jourdain, le Mucem rend hommage par une exposition qui s’enracine dans ce territoire qu’il aimait plus que tout autre, la Méditerranée : point de fuite de l’Europe et ouverture sur l’Afrique et le Moyen-Orient. Pôle magnétique de sa trajectoire, la Méditerranée offre à Genet la chance d’une “échappée belle”.
C'est l'histoire d'un homme qui, dès l'âge de treize ans, brûle de quitter l'Europe et la France. Il veut partir pour l'Egypte, l'Orient, l'Algérie, l'Afrique. « Mon enfance, dit-il, a rêvé de palmiers ». Mais il rêve trop fort, fugue, fraude, s'évade, s'engage dans l'armée et déserte, vole enfin. On l'arrête, on le ramène à Paris, on le place en maison de correction, puis en prison.
C'est un délinquant, un homme sans attache, sans père ni mère, sans domicile ni patrie, sans feu ni lieu, mais il possède une arme : la langue française.
Dans sa cellule de la Santé ou de Fresnes, avec un certificat d'études et un livre de grammaire pour tout bagage, il commence à écrire ses premiers poèmes, ses premiers romans.
Avec son enfance abandonnée, sa solitude, ses prisons, ses souvenirs d'errances misérables à travers l'Espagne et l'Europe en quête d'ailleurs, avec le désastre de sa vie, il compose l'une des œuvres littéraires les plus flambantes de la littérature française, retrouvant dans la poésie une patrie hors territoire : « la France, écrit-il dans Journal du voleur, est une émotion qui se poursuit d'artiste en artiste ».