Jean Girard, Genèse du pouvoir charismatique en Basse Casamance, Dakar, I.F.A.N., 1969.
Cinq extraits :
- «Le statut royal», p. 37.
- «Le cadre historique», p. 87-88.
- «Les fétiches», p. 121 et 122.
- «Le rôle du rêve», p. 207.
- «Etude du rêve de la reine Sibeth de Séganar», et «Commentaires», p. 207-213.
Le choix de Sibeth
Après la mort d'Ai-Mpéné sa mère, Sibeth fut tourmentée par des rêves au cours desquels lui fut transmis l'ordre de prendre sa succession auprès des fétiches. Elle voyait des hommes s'approcher d'elle et lui dire : «C'est vous qui devez remplacer votre mère. Continuez à agir selon ses méthode, car les pluies ne sont pas abondantes.»
Mais Sibeth se récusa. Quelle villageoise en effet aurait cru à ces ordres ? Cependant au cours de la nuit, les génies revinrent lui demander d'assumer cette charge et pour l'y contraindre, tentèrent de l'intimider : «Nous voilà revenus pour la seconde fois. Dites aux villageois que vous avez le devoir de remplacer votre mère. Si vous refusez, nous reviendrons une troisième fois, et cela signifiera la mort pour vous. Ayez donc le courage d'aviser les habitants du village de votre mission.»
Sibeth ne pouvais se décider à accepter une aussi lourde tâche. Prenant l'un de ses enfants par la main et portant l'autre sur son dos, elle s'enfuit à Eramé. De là, elle poursuivit sa route vers Yale, puis gagna Sanka qu'elle atteignit dans un état de très grande fatigue. Elle continua néanmoins jusqu'à Suzana en Guinée portugaise. Son épuisement était tel qu'elle ne voyait plus clair. Ses yeux étaient troubles et des larmes coulaient sur ses joues. Elle s'étendit un instant, espérant s'endormir de fatigue. Mais les hommes qui la poursuivaient dans cesse se présentèrent à elle en rêve : «Comment ? Vous êtes dans ce village de Suzana ? Nous avons suivi votre trace de village en village jusqu'ici où vous êtes venue vous cacher. Repartez immédiatement tenir le fétiche de votre mère.» (P. 207-208.)
Les fétiches
[…] Le bois sacré occupé par les fétiches de la pluie est l'ancien emplacement aujourd'hui [1969] déserté de l'agglomération, souche de tous les villages environnants. Cet habitat originel du clan ancestral est peuplé de fétiches singuliers en leurs rites et effet, chacun d'eux se perpétuant aux lieu et place de l'archaïque fétiche lignager du hanke disparu. C'est de cet ensemble que le roi a la garde. L'obtention de la pluie est réalisée à la suite de sacrifices, libations et offrandes rituelles à chacun des bekin. La fonction royale est donc purement ouranienne, c'est-à-dire essentiellement culte des ancêtres. […]
[…] Le culte des fétiches est entretenu selon une formule particulière et exige un sacrifice original. Ainsi, on ne peut immoler que des animaux déterminés et faire des offrandes dont la composition est prévue par la tradition. Le temps de la célébration varie par ailleurs selon le résultat recherché. […]
Les fétiches sont d'une susceptibilité extrême et pour les approcher, il faut observer des règles coutumières strictes. Il convient lorsqu'on s'occupe d'eux, soit que l'on désherbe leur voisinage, soit que l'on entretienne leur tertre, soit que l'on répare leur toiture, de respecter leur volonté. En effet, ils se mettent parfois en colère sans que l'on sache trop pour quelles raisons et renvoient leurs desservants dont l'activité les importune. […] [Si le fétiche s'estime] outragé, il pourra se venger en frappant le sacrilège d'une maladie particulière [sic] qu'inversement il sera susceptible de faire disparaître en octroyant son pardon. (P. 121 et 122.)
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Sibiloumbaye Diedhiou, roi d’Oussye (2011)
www.malraux.org / 10 décembre 2011.