Léopold Sédar Senghor, «L'homme des profondeurs», Le Nouvel Observateur, 29 novembre 1976, p. 84-85.
«L’homme des profondeurs»
[…] l'essentiel de ce que nous apporte l'écrivain André Malraux, c'est sa vision en profondeur du monde : des êtres, mais de leur vie en société parmi les choses et les phénomènes de la nature. Les artistes de l'Ecole de Paris, qui découvrirent l'art nègre, au début du siècle, en ont surtout retenu le message esthétique. Et il est vrai, comme l'admettent de grands artistes, que l'esthétique négro-africaine est l'esthétique même du XXe siècle, qui n'est pas dans l'anecdote ni dans les idées, amis dans le jeu harmonieux des formes et des couleurs. Il reste que ce n'était pas là, pour le sculpteur, le peintre ou le potier nègre, l'essentiel. L'essentiel, comme l'a dit Malraux, c'était le saisissement de l'artiste négro-africain par le surnaturel, qu'il essayait de rendre aux fidèles de la religion animiste dans un monde qu'animait encore le Sacré.
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Léopold Sédar Senghor, La poésie de l'action. Conversations avec Mohamed Aziza, Paris, Stock, 1980, p. 26-27.
La poésie de l’action
Malraux est venu deux fois au Sénégal. Il a ouvert, avec moi, le premier Festival mondial des Arts nègres en 1966. Ce qui m'a frappé chez lui, c'est, comme chez de Gaulle, l'étendue de sa culture et sa compréhension de la différence. Il sentait, il savait que la différence était une nécessité. Et le métissage en même temps.
Pour, faisons une parenthèse, revenir à de Gaulle, un «gouverneur des colonies» m'a raconté l'anecdote suivante. Le Général de Gaulle ayant décidé d'octroyer la citoyenneté française, du moins dans le droit de note, aux Maghrébins et aux Négro-Africains, le gouverneur lui demanda s'il ne craignait pas une pollution du sang français par le sang arabe et le sang noir. Et de Gaulle de le rabrouer : «Mon cher, vous êtes un bourgeois : l'avenir est au métissage.»
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