D/1965.06.04 — André Malraux : «Intervention à l’Assemblée nationale»

André Malraux, «[Intervention à l'Assemblée nationale, séance du 4 juin 1965]», réponse à une question concernant l'ouverture des musées nationaux. Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Assemblée nationale [Paris], n° 41 AN, 5 juin 1965, p. 1834.


 

 

André Malraux : Intervention à Assemblée nationale, le 4 juin 1965

(Les gardiens du Louvre et le rôle de ce musée)

 

            Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, la question qui est posée me paraît dépasser à certains égards ses propres termes.

            Je répondrai d'abord à la question elle-même. Bien entendu, il est absolument souhaitable que les musées restent ouverts le plus longtemps possible. C'est une évidence.

            Pourquoi l'ouverture permanente des musées nationaux rencontre-telle tant d'obstacles ? En partie pour des raisons techniques, car il est bien entendu que le Louvre doit être nettoyé. Pourtant, constatons d'abord un point capital. Lorsque, à ce sujet, on oppose à l'action des musées de France celle des musées américains, on oublie que nos musées sont installés dans des palais nationaux dont le Louvre est un des plus illustres du monde.

            Il semble que nous devrions, à tout prix, avoir des bâtiments modernes.

            Je dois dire que depuis 50 ans nous n'avons pas eu beaucoup de chance avec les bâtiments modernes. Nous en avons construit un qui risque de s'écrouler sur la tête des visiteurs. Si nous disions à ceux qui m'ont reçu jadis à la Galerie nationale de Washington qu'on va leur donner le Louvre, ils ne seraient pas particulièrement attristés. Ils seraient, au contraire, ravis.

            Le problème est de savoir comment, puisque nous avons la chance de posséder des palais, nous pouvons les transformer en musées modernes, comme l'Italie l'a fait pour le musée Correr qui représente la cinquantième ou la soixantième partie du palais du Louvre. Voilà le fond de la question.

            Il ne s'agit pas de savoir si on peut mettre ou ne pas mettre des gardiens dans nos musées les mardis ou les jours de fête.

            Vous connaissez, comme moi, les conditions de traitement des gardiens du Louvre, celles des gardiens des musées nationaux. Je dirai simplement qu'elles sont inacceptables et que je ne les accepterai pas indéfiniment. Il faut que tout cela soit changé de fond en comble. Il faut que les gardiens puissent vivre d'une vie normale, ce qui n'est pas le cas et M. Roux le sait comme moi.

            Il faut que l'adaptation des palais nationaux à la muséographie moderne soit faite sur un ensemble d'actions extrêmement différentes les unes des autres.

            La fonction publique existe et il est probablement impossible de dire que nous allons changer la condition des gardiens sans toucher à la condition d’un certain nombre de membres de la fonction publique.

            Mais, tout d’abord, nous devons essayer de bien comprendre que l'institution des gardiens remonte au XIXe siècle et qu'aujourd'hui elle ne correspond plus à rien.

 

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