D/1951.06.15 — André Malraux : «Discours de monsieur André Malraux au vélodrome d'Hiver – 8 juin 1951». Sténotypie de onze pages. (Archives de l'Institut Charles-de-Gaulle.) – Le texte de ce discours a paru sous le titre «“La République, c'est l'honneur français”», Le Rassemblement [Paris], n° 215, 15-21 juin 1951, p. 9, (extraits).
André Malraux
« La République, c'est l'honneur français » (2e partie)
Si ce mot de République bat encore avec son grondement de canon d'alarme et son battement de tocsin dans les plus humbles cœurs de notre pays, c'est qu'il est une des dernières grandes légendes de l'honneur français.
Prenez un Français moyen, ajoutez un évêque, retranchez le vénérable de la loge, multipliez par un patron et divisez par un ouvrier : la racine carrée du résultat vous donne un député. Le pays n'y comprend goutte, et c'est ce qu'on veut. Pour qu'il finisse par accepter un mensonge éhonté : les apparentés sont la République, les gaullistes veulent le pouvoir personnel. Alors que les apparentés sont les apparentés, et les gaullistes les gaullistes, et que les François doivent choisir entre deux réalités, non entre deux mensonges.
Si vous aviez 7 millions de voix communistes, croyez bien que, même si le P.C. n'avait que 30 sièges, vous auriez peu de chances de voir les communistes en Russie, où l'on manque justement de gardiens de bagne, et beaucoup de chances de voir M. Vincent Auriol ailleurs qu'à l'Elysée.
Vous qui vous prétendez les seuls héritiers de l'obsédante voix des républiques mortes, si quelque dieu mystérieux vous donnait tout à coup ces hommes par qui le monde semblait se vouer à la France, que pourriez-vous bien leur offrir ? Des apparentements ou des bureaux de tabac ?
Vincent Auriol