E/1979.printemps — André Malraux, «Extraits d'un entretien avec Malraux (10 avril 1971, Verrières-le-Buisson)», publiés en 1979

E/1979.printemps — André Malraux, «Extraits d'un entretien avec Malraux (10 avril 1971, Verrières-le-Buisson)», entretien accordé à Nicholas Hewitt, Mélanges Malraux miscellany [Laramie, Wyoming], vol. XI, n° 1, printemps 1979, p. 22-25.


 

 

André Malraux

Extrait d'un entretien avec André Malraux

(10 avril 1971, Verrières-le-Buisson) par Nicholas Hewitt

 

Extrait 1

Hewitt — Je viens de lire Les Chênes qu'on abat, et j'ai été frappé par la ressemblance entre le ton de ce livre et celui de vos premiers essais, La Tentation de l'Occident et D'Une Jeunesse européenne.

Malraux — Premièrement, je vais vous dire quelque chose au sujet des Chênes que vous ne savez pas. Quand j'avais quitté le général de Gaulle, la neige tombait, comme vous le savez, et nous n'avons pas pu rentrer à Paris en voiture à cause de la neige. Nous avons donc dû prendre le train. Et pendant que je passais deux ou trois heures à attendre le train, j'ai pris des notes sur la conversation que j'avais eue avec le général de Gaulle. J'ai donc pu enregistrer toute la conversation que nous avions eue d'une manière assez précise.

D'autre part, c'est un livre qui va avoir un tirage immense – en France, mais pas à l'étranger. C'est le seul de mes livres qui va atteindre un public populaire. Vous savez, même le boulanger du village l'a acheté. Cela n'est jamais arrivé avant.

C'est qu'il faut reconnaître ce qui était pour nous le général de Gaulle. Il n'y a aucun homme d'Etat qui lui ressemble, sauf Mao. Même Churchill… Pour nous, le général de Gaulle, c'était différent.

Hewitt — Cependant, il y a dans ce livre un tel sentiment de désespoir…

Malraux — Oui. Cependant, il faut savoir que ce jour-là, le général de Gaulle était, disons, au pôle sud de sa pensée. C'est-à-dire que, ce jour-là, il était pessimiste.

Hewitt — Mais on peut dire que puisque vous avez choisi d'écrire un livre sur le général de Gaulle de ce jour-là, ce côté pessimiste vous intéressait; que le général de Gaulle est devenu en quelque sorte un personnage de Malraux.

Malraux — C'est possible, mais vous savez, nous nous sommes connus pendant vingt ans.

 

Extrait 2

Hewitt — Quelle est l'importance du «farfelu» dans votre œuvre ?

Malraux — C'est simplement qu'un homme peut aimer deux choses, le tragique et le comique, ce qui n'implique pas qu'il faut nier ni l'un ni l'autre. C'est comme moi avec les chats, d'ailleurs, ou comme chez Hofmann. Vous connaissez la scène du mariage, avec le bonhomme qui, pendant le repas, coupe son nez, et des gouttes d'or tombent dans son assiette. C'est formidable, ça. Si vous et moi, si nous nous assîmes à cette table-là et faisions un recueil des textes de Hoffmann, nous pourrions faire un recueil épatant.

 

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