André Malraux
Intervention à l'Assemblée Nationale, 14 décembre 1961
Présentation du projet de loi de programme relatif à la restauration des grands monuments historiques
Extrait :
L’histoire de l’humanité nous apporte, elle aussi, son long cortège de haines et de sang, mais les chefs-d’œuvre se lèvent de la mort comme les victoires ailées se levaient des champs de bataille antiques. La plus grande épouvante qu’ait connue le monde, l’horreur assyrienne, emplit notre mémoire de la majesté de la lionne blessée. Et si un art naissait demain des fours crématoires, il n’exprimerait pas les bourreaux, il exprimerait les martyrs.
En un temps où le grand songe informe que poursuit l’humanité prend parfois des formes sinistres, il est sage que nous en maintenions les formes les plus hautes. Le songe aussi nourrit le courage, et nos monuments sont le plus grand songe de la France.
C’est pour cela que nous voulons les sauver ; non pour la curiosité ou l’admiration, non négligeable d’ailleurs, des touristes, mais pour l’émotion des enfants que l’on y tient par la main. Michelet a montré jadis ces petits visages éblouis devant les images de leur pays où la gloire n’avait pas d’autre forme que celle du travail et du génie. Ce sont elles qui nourrissent notre communion la plus profonde. C’est par elles que les combats, les haines et les ferveurs qui composent notre histoire s’unissent, transfigurés, au fond fraternel de la mort.
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