André Malraux
Intervention à l'Assemblée Nationale, 9 novembre 1963
Présentation du budget des Affaires culturelles
Extrait :
Vous savez que j’ai obtenu quelque succès au Conseil des Ministres lorsque j’ai dit que j’étais le seul à ne pas savoir ce qu’était la culture. En définitive, c’est vrai.
Il faudrait tout de même savoir un peu de quoi nous parlons.
On a dit bien souvent que l’on n’avait jamais tant parlé d’affaires culturelles. C’est bien vrai. On en parle dans le monde entier : c’est bien vrai. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie d’abord qu’un certain fait est apparu : celui de la survie des œuvres d’art.
Alors que les civilisations antérieures avaient rejeté tout le passé au néant, la Renaissance a conservé les vierges noires parce qu’elles étaient vénérables, non parce qu’elles étaient admirables. L’idée d’immortalité est née au XVIe siècle.
Nous avons découvert, dans une civilisation qui n’est pas une civilisation religieuse, qu’alors qu’il ne nous reste rien d’Alexandre ou de César, si ce n’est un nom, il nous reste dans une statue d’Alexandre ou de César quelque chose qui nous parle, et qu’alors que nous ne savons rien de ce qu’ont été les hommes des cavernes, quelques bisons peints par ces hommes nous parlent comme au premier jour.
J’avais dit ici, il y a quelques années : « La matière de la culture, c’est ce qui, dans la mort, appartient tout de même à la vie ». Et, pour comprendre de quoi il s’agit, nous avons un exemple très banal auquel on ne pense jamais, bien que le vocabulaire soit le même : c’est le phénomène religieux.
Il est clair que, pour un chrétien, le Christ n’est pas un homme d’une certaine époque, il est vivant ; pour un bouddhiste, Bouddha n’est pas un sage d’une certaine époque, il est présent. Pour toutes les grandes religions, le prophète est présent.
Or l’œuvre d’art, elle aussi, est présente à sa manière, et son caractère fondamental, c’est cette mystérieuse survie.
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