Document | G.-A. B., «Après l'affaire Langlois : Malraux au musée !», «Rivarol», 15 février 1968, n° 892, p. 7.

G.-A. B., «Après l'affaire Langlois : Malraux au musée !», Rivarol, 15 février 1968, n° 892, p. 7.

[N.B. Rivarol est un hebdomadaire d’extrême-droite, parfois antisémite ou négationniste.]

«Le mythe Malraux a assez duré» : ce n'est pas nous qui le disons (une fois de plus), mais bien le journal Combat, dénonçant «l'incohérence et la nullité de la politique culturelle du régime, l'escroquerie du mythe Malraux et la décadence à la romaine».

L'éditorial du rédacteur en chef politique de Combat, Philippe Tesson, d'une extrême rigueur dans sa sévérité lucide, rejoint «l'appel à l'insurrection générale» que lance, en termes plus violents, le rédacteur en chef des pages culturelles, Henry Chapier.

Pourquoi cet appel, pourquoi ce sursaut ? Parce que le directeur-fondateur de la Cinémathèque de France, Henri Langlois, vient d'être limogé et remplacé par un M. Barbin, jeune loup gaulliste, qui faisait, depuis des années, le siège de MM. Debré et Malraux pour ce poste.

Tout ce qui compte dans le cinéma (et même ceux qui voudraient y compter) est solidaire de Langlois, sans qui, disons-le avec eux, la Cinémathèque ne serait pas, c'est-à-dire que des richesses seraient à jamais perdues pour la culture cinématographique du monde entier.

 

Langlois ou larbin ?

Mais ce limogeage dépasse la personnalité même de Henri Langlois, qui mérite d'être soutenu sans parti-pris aucun, lui qui a défendu le Triomphe de la volonté, et même Hitlerjunge Quex en dehors de tout contexte politique, et qui a su créer, lui, de ses propres deniers, et en y consacrant sa vie entière, un Musée irremplaçable du cinéma… ni «imaginaire», ni «usine».

Que sa gestion financière laisse à désirer, c'est possible : M. Debré, protecteur de son courtisan tourangeau M. Barbin, directeur des festivals minables de Tours et d'Annecy, n'a qu'à adjoindre à Langlois un de ses innombrables fonctionnaires qui font des cocottes en papier.

S'il faut un financier, pour remplacer l'irremplaçable Langlois, à quoi bon prendre ce Barbin, sinon pour une bonne rime à … larbin ? Ce Barbin dont le premier acte d'autorité a été de faire changer les serrures de la Cinémathèque…

Des réactions en chaîne sont à prévoir : retrait des films de la Cinémathèque par beaucoup de réalisateurs, bagarres en faveur de Langlois, démythification de Malraux par les moins naïfs des libéraux et remise en question des vrais problèmes.

Philippe Tesson le marque bien, qui demande, dans Combat du 12 février : «une politique culturelle qui, en dix ans, ne peut mettre à son actif que l'implantation de quelques Maisons de la culture à travers le pays, c'est insuffisant quelle que soit l'excellence de l'initiative. Et d'abord, s'il y a maison, où est la culture ?… M. Malraux avait à sa disposition un moyen extraordinaire de diffusion de culture de masse : la télévision. Qu'en a-t-il fait ?»

Et Philippe Tesson, appelant un chat un chat, dénonce comme une «escroquerie» les «carences, tenant à la nature du régime» qu'on peut observer dans tous les domaines des affaires culturelles.


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