Georges Charensol : «Les nouvelles salles du Louvre» (1970 ?)

A l’occasion de l’ouverture de nouvelles salles du Louvre (l’ancien ministère des Finances), Georges Charensol évoque Malraux et les indélicatesses de Wildenstein.

La source de l’article nous est inconnue. Merci de nous informez si vous connaissez le texte. (De nouvelles salles  sont ouvertes en 1970, réalisant un projet de Malraux.)

 


 

Les nouvelles salles du Louvre

Au Louvre un secteur très important, puisqu’il réunit sur deux niveaux le vieux Louvre et le Pavillon de Flore, est enfin rendu au public. A cette occasion une polémique qui couvait sournoisement vient d’éclater. Elle s’en prend à l’aménagement élaboré et poursuivi par la direction du musée depuis plusieurs années, et ses auteurs s’en étonnent. Pourquoi mettre en question cette totale refonte du département des peintures alors que les travaux sont tellement avancés qu’elle est irréversible ? Pourquoi ces graves objections ne se sont-elles pas exprimées quand il était possible de discuter un plan qui a été divulgué en son temps par la presse et qui est d’ailleurs exposé en permanence sur le palier de la Samothrace ?

Pour répondre à ces questions il faut faire preuve de franchise. En effet si ce plan a pu jusqu’ici être mené à bien, si les énormes crédits que réclamait sa mise en œuvre ont été dégagés c’est grâce à M. André Malraux. Au cours des dix années où il occupa les fonctions de ministre d’Etat chargé des Affaires culturelles l’auteur du Musée Imaginaire s’est surtout passionné pour les Maisons de la Culture et pour la mise en valeur des monuments. Les premières répondaient à un vieux rêve qu’il m’exposa dès 1946 alors que je m’entretenais librement avec lui dans son cabinet de ministre de l’Information du gouvernement de Gaulle. Pour les monuments il restera celui qui a eu l’audace d’entreprendre le nettoyage de leurs façades. Quand les cathédrales étaient blanches, disait jadis Le Corbusier. Maintenant elles le sont et avec elles bien des palais qu’on avait toujours vu couverts d’une crasse si vénérable que tout le monde la croyait indélébile.

L’intérêt qu’il porte au Louvre s’est manifesté de façon spectaculaire par le creusement au pied de la Colonnade d’un fossé qui lui restitue ses proportions, et en faisant sien un projet dont tout le monde savait qu’il ne serait pas mis en cause aussi longtemps qu’il serait au pouvoir. Au lendemain de son départ, des démarches furent tentées, d’abord auprès de M. Michelet puis auprès de M. Duhamel. Deux conceptions s’affrontèrent et il n’est pas sans intérêt de faire un bref historique.

La restitution au Louvre par le ministère des Finances du Pavillon de Flore et de l’aile voisine, la nécessité de remplacer les charpentes vétustés de la Grande Galerie, la possibilité de doter les salles de peintures d’un éclairage grâce à la mise au point d’un système simulant la lumière du jour coïncida avec ce qu’on peut appeler sans jeu de mot une révolution de palais. La vente au Metropolitan Muséum de New York par Georges Wildenstein de la Diseuse de bonne aventure de Georges de La Tour, un des plus hauts chefs-d’œuvre de la peinture française, causa un scandale qui provoqua la colère de M. Malraux (1). Celui-ci n’ignorait pas que ce tableau insigne, malgré les efforts de M. René Huyghe, alors conservateur en chef du Département des peintures du Louvre, avait échappé à ce musée. Du moins pouvait-on espérer qu’il ne quitterait pas la France. Quand il fut vendu en Amérique, pour une somme qui représenterait aujourd’hui plus de dix millions de nos francs, il estima que la responsabilité de M. Germain Bazin, successeur de M. Huyghe était engagée et il exigea son remplacement. Il fut donc muté à un autre service, d’ailleurs très important, qu’il vient de quitter pour aller occuper une chaire dans une université américaine.

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(1) Cette fructueuse opération commerciale a coûté à Georges Wildenstein son fauteuil à l’Institut. Mais, maintenant que M. Malraux n’est plus ministre, l’Académie des Beaux-Arts s’est empressée d’élire son fils Daniel au fauteuil qu’il aurait dû occuper. La vengeance est un plat qui se mange froid. (Ndla)

 

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diseuse

 

Georges de La Tour, La Diseuse de bonne aventure, NY, Met.