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Hommage à Yves Beigbeder (1946-2024)

 

Yves est décédé le 24 février dernier dans son appartement parisien face au «  Arènes de Lutèce », à deux pas de la maison jadis occupée par Jean Paulhan. Reçu à l’École normale supérieure de Saint-Cloud à 19 ans, agrégé de Lettres modernes, Yves, passionné par les écrits de Malraux et par la spiritualité védantiste, entreprend une thèse de doctorat sous la direction du professeur Pierre Brunel (Paris IV). Publiée sous le titre « André Malraux et l’Inde » en 1983, il la reprendra en plusieurs occasions comme lors du colloque de Cerisy de juillet 1988, démontrant que «  l’Inde représente [pour Malraux] une réalité religieuse et métaphysique, le pôle spirituel de l’humanité. » Docteur d’État, Yves n’entend cependant pas sacrifier la moindre parcelle de sa liberté aux multiples contraintes et compromissions de la carrière universitaire dont il a fait l’expérience lors de ses passages aux universités de Poitiers et de Limoges. Il démissionne de l'enseignement supérieur et décide de travailler à l’étranger comme directeur d’une Alliance française (Bolivie), attaché ou conseiller culturel à Bombay, au Soudan, en Éthiopie — où il adopte sa fille Tadelech Teka — et enfin en Centrafrique. Sa curiosité de la diversité culturelle du monde, son impressionnante érudition, son esprit volontiers rebelle, son humour porté à l’autodérision, furent  au cours des années comme submergés par une anxiété devenue de plus en plus incoercible et à laquelle il crut échapper par des subterfuges qui ruinèrent sa santé. Il crut trouver en Inde, dit un de ses amis, « un Paradis à sa mesure. » Puisse donc Çiva danser à présent pour lui le « fandava », la Danse cosmique…

 Jean-René Bourrel