Image of A/1949.12.27 — André Malraux : «Staline et son ombre», «Carrefour», n° 276, 27 décembre 1949,  p. 1 et 3.

A/1949.12.27 — André Malraux : «Staline et son ombre», «Carrefour», n° 276, 27 décembre 1949, p. 1 et 3.

Extrait


«Il y a maintenant un morceau de Russie dans chaque pays. Le romantisme et la justice, la paix, l'internationale, tu [Staline] as substitué à tout cela une seule réalité : le nouveau lien féodal qui unit à toi un certain nombre d'hommes, qui te permet de ne plus même écouter les abrutis qui ne comprennent pas la nouvelle structure que tu as imposée au monde. Te souviens-tu de ce que notre maître Hegel nommait les ruses de l'Histoire ? A cette Russie qui depuis plus de deux cents ans appelait une mission de domination, à ce pays messianique et impérieux, qu'avaient donné les derniers tsars ? Qu'est même l'occidentalisation de Pierre le Grand, en face de la tienne qui veut prendre à l'Occident toutes ses forces pour l'écraser, pour que disparaisse du monde le haïssable accent que notre pays n'a jamais connu, l'accent de l'accusé qui se défend et ne s'insulte pas ? Qu'avaient donné à la Russie les slavophiles ? Tu n'as pas même perdu leur appel chrétien. C'est au nom des valeurs de l'Evangile, qui eussent bien étonné César et Timour, que tu as l'honneur d'appeler tous les malheureux à la justice, appuyé sur nos bagnes pharaoniques. Tu as apporté, toi, l'unité slave : la vraie, celle qui se fait par la fraternité, par le fer et par le sang. La Russie a fait le stalinisme et non le communisme, mais elle a trouvé ce qu'elle cherchait à tâtons depuis qu'elle en a fini avec les Turcs : son droit à la domination de l'Occident. Le communisme, lui, a fait la Russie.»

 

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