«Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas»
Cette phrase a été attribuée à André Malraux qui ne l’a jamais prononcée. Elle a une variante tout aussi apocryphe : «Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas.» Prêter à un homme célèbre des propos imaginaires, c’est donner sa caution à des angoisses très réelles, en l’occurrence la peur d’un monde qui s’arrête, d’un siècle qui s’achève dans le doute des âmes et l’orgueil de la science là où la foi des anciens jours transmettait de génération en génération la confiance en l’avenir. Et pour conjurer l’apocalypse, on fait appel à un agnostique : à l’auteur de L’Espoir de nous rendre l’espérance.
Si le contraire de la religion c’est la négligence, l’insouciance, l’indifférence, il est certes nécessaire de mieux soigner notre planète. Les catastrophes écologiques, dont on n’avait guère conscience du temps de Malraux, sont bien présentes avec le changement climatique, les épidémies et épizooties qu’on met parfois sur le compte d’une colère divine («la nature se venge»), d’un châtiment céleste («le sida est la punition de Dieu»), de forces aveugles (les tempêtes de décembre 1999) ou de cataclysmes démoniaques (les inondations renvoient aux nombreux mythes du Déluge). Derrière les éléments déchaînés, on voit les puissances du Mal.
Aux religions de l’Histoire, il incombe d’être celles de la géographie. Le dieu de la Bible qui a bataillé contre les Egyptiens, les Cananéens, les Philistins, les Assyriens, les Babyloniens, les Grecs et les Romains doit désormais livrer combat contre les polluants atmosphériques, les gaz à effets de serre et les armes cruelles de la guerre chimique lancée par l’homme contre la terre. Protéger la veuve et l’orphelin, c’est aujourd’hui préserver la couche d’ozone sans laquelle il n’y aura plus âme qui vive.
Voici 2500 ans, quand la population du globe était cinquante fois plus faible qu’actuellement, les rédacteurs de la Genèse (1, 28) pouvaient demander aux hommes d'être féconds et prolifiques, de remplir la terre et de la dominer. La genèse du troisième millénaire exige moins d'enfants et plus d'espace, le contrôle des naissances et la protection des forêts vierges. Il faut entourer la planète de soins religieux et les moines en sont convaincus, qui votent fréquemment pour des candidats écologistes.
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© Présence d’André Malraux sur la Toile / www.malraux.org
Texte mis en ligne le 12 septembre 2012 avec l’autorisation de l’auteur que la rédaction de malraux.org remercie chaleureusement.
Source : Odon VALLET, Petit lexique des idées fausses sur les religions, Paris, Albin Michel, 2004 [2002], (coll. «Le Livre de poche»), p. 231-234.