Paul-Vincent Fontaine
Shanghai, modèle malrucien de la fraternité
La ville de Shanghai est mêlée à deux histoires : celle de la Chine ancestrale et celle des concessions étrangères depuis presque deux siècles. Shanghai, ville la plus occidentalisée de Chine, pour des raisons historiques et géographiques, mais aussi idéologiques (le PCC a été fondé à Shanghai par une élite shanghaienne formée en Europe) est le pont entre Occident et Chine. Aussi est-elle le lieu symptomatique des tensions entre individualité et fraternité, quelque chose entre une Chine confucéenne puis communiste, et une Chine taoïste davantage tournée vers l'individu ; une collectivité chinoise tiraillée entre la vertu cardinale de piété filiale et l'individualisme renforcé par l'Occident.
Lire La Condition humaine d'André Malraux, c'est être au contact de ces deux univers, à la croisée de ces champs conceptuels. Personne comme Malraux, nulle part comme dans La Condition humaine, ne touche cette Chine internationale, celle de l'universelle humanité. Parce que Shanghai dans les décennies 1920-1930 est le lieu du cosmopolitisme par excellence, de l'union entre extrême Orient et extrême Occident, son roman met en place une action shanghaienne qui illustre la condition de tout homme, une révolution chinoise qui exprime bien au-delà d'elle-même : la révolte de tout être humain.
Alors il semble possible de concevoir un Malraux chinois, en tous cas une pensée malrucienne nourrie, fondée, pétrie de « l'expérience chinoise ». S'il y a une pensée malrucienne, elle nous semble une pensée de la fraternité plus que toute autre chose, et ainsi chinoise avant tout. Une pensée toute en germe, en racines et en branches dans La Condition humaine. Une pensée shanghaienne de la fraternité entre les Hommes.
Mais où donc Malraux est-il allé chercher tout cela ? S'est-il inventé son propre Shanghai ? Le cadre historique et culturel de cette Chine révolutionnaire des années 1920 n'est-il que déformé, prétexte à l'affirmation des thèmes chers à l'auteur ? Consciemment ou inconsciemment, le seul imaginaire fantasmagorique de Malraux est-il au pouvoir ?
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