art. 200, avril 2018 • Bernard Goarvot : «Préhistoire, histoire et littérature : André Malraux et quelques autres écrivains à St-Germain-en-Laye» (pam, hs2, 2007 et 2018)

Bernard Goarvot

 

Préhistoire, histoire et littérature : André Malraux et quelques autres écrivains

à Saint-Germain-en-Laye

 

André Malraux

« La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ».

Malraux, la mort, la morale.

Cela commence sans doute dans un bal musette, Malraux accompagné de Clara Goldschmidt la protège de voyous : barre-t-on la route à Malraux, au début des années 20! Il reçoit une balle dans la main. Les guerres, la Chine, le Bengladesh, l’Espagne, l’attentat OAS à Boulogne, le simulacre d’exécution (cette phrase exceptionnelle : « Je me retournai : j’étais en face d’un peloton d’exécution »), la constellation familiale ravagée, et l’amor …

Malraux et le cinéma.

L’attraction de fête foraine est devenue un art, une industrie, le cinéma a son esthétique sur quoi théoriser. Un combattant peut aussi filmer la guerre : C’est Sierra de Teruel, 1938, tourné à Barcelone, interrompu en janvier 1939. Filmé à balles réelles, caméra dans les avions qui se mitraillent, un plan d’oiseaux s’envolant succède à celui d’une voiture se jetant sur un canon, des cartons noirs figurent l’absence des morts donc les scènes non tournées, « on voit passer les chars italiens », ce film unique est censuré par Daladier (il y a un certain Pétain ambassadeur chez Franco) et sort en 1945 sous le titre Espoir. C’est une oeuvre lyrique, implacable, avec une musique de D. Milhaud; et non un documentaire. On peut noter que Teruel est l’anagramme de « le tuer».

C’est bien un des paradoxes malruciens : chef d’Etat battu, de Gaulle ira serrer la main de Franco !

Malraux ministre et l’affaire de la Cinémathèque.

Florence Malraux assiste Alain Resnais pour le tournage de La Guerre est finie, non sélectionné au Festival de Cannes 1966, pour ne pas déplaire à Franco. 1968, Malraux destitue en fait Henri Langlois de ses fonctions. L’interdiction du film de Jacques Rivette, La Religieuse, 1966, avait notamment mobilisé Jean-Luc Godard, jusque-là plutôt malrauphile : « […] Comment donc pourriez-vous m’entendre, André Malraux, moi qui vous téléphone de l’extérieur, d’un pays lointain, la France Libre ». Voici donc le censuré devenu censeur ? Le généreux dirigeant de la Maison de la Culture, avec Aragon et Nizan, en 1936, soupçonné du « vol » de 60'000 films et d’un Musée pas imaginaire ? (Malraux avait pourtant soutenu Langlois : subventionné en 1945 de cent mille francs et de cent millions à la fin des années 50). Malraux pillant le sanctuaire de Langlois ! Le révolutionnaire révolutionné va faire lever le poing à la révolte de mai-juin ! La manifestation du 14 février est prophétique et réprimée, Godard conduit la mince troupe à l’assaut des jardins de Chaillot tel le colonel Berger devant son escadron. Dans Combat du 12 février, Philippe Tesson écrivait : « Le mythe Malraux a assez duré ». Truffaut racontait que de Gaulle demandait : « Mais qui est donc ce monsieur Langlois ? » Les cinéastes du monde entier avaient interdit la diffusion de leurs films ; de culturelle et cinéphilique, la révolte se politisa. Si Godard n’était pas tombé amoureux de la petite fille de Mauriac en lisant Le Figaro, il ne serait pas venu repérer sa Chinoise à la faculté de Nanterre fin 66, et …. Malraux, qui sauf erreur souriait des « hasards jubilatifs » de Claudel, n’eut que du malheur avec ces deux noms : Godard est le nom d’une demoiselle qui sera sa belle-mère.

Langlois est dans L’Espoir (roman) le nom d’un personnage blessé … De Gaulle et Malraux perdirent le pouvoir, ou le pouvoir les perdit : le mal était fait.

NB : il y a peu, au centre Malraux de Sarajevo, JLG projetait en avant-première ses Histoire (s) du Cinéma, dont un chapitre contient des citations de Sierra de Teruel.

Le cortège des « on ».

L’on peut remarquer, un Académicien français l’avait fait,  les « on » abondent dans les textes et les discours : Bertrand Poirot-Delpech évoquait « Armée des ombres, République de bronze, Trébi-zonde ».Voix des profondeurs, vibrations maîtrisées:

Sarah Bernhardt modèle à « L’Odéon, où l’on m’a conduit très tôt ». J’ajoute brièvement ce tourbillon : Canton, Panthéon, prison, peloton, Condition, avions, Maisons de, chênes qu’on, Bondy, Goncourt, Colombey, condamnés, tondus, « Action », Simon Kra, Chevasson, Corniglion-Molinier, le démon de l’Absolu, outre-tombe, Joconde, question, conscience, contre, Conquérants, oraisons, « Henri-Mondor », l’hôpital de sa mort, sans l’oubli de Verrières-le-Buisson où il est enterré.

 

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