Image of Art. 249, juillet 2019 | document • «L'évolution moderne de l'Afghanistan», «L'Illustration», 22 novembre 1924, n° 4264, p. 462-465.

Art. 249, juillet 2019 | document • «L'évolution moderne de l'Afghanistan», «L'Illustration», 22 novembre 1924, n° 4264, p. 462-465.

«L'évolution moderne de l'Afghanistan», L'Illustration, 22 novembre 1924, n° 4264, p. 462-465.

 

Parmi les pays encore peu connus qui semblent vouloir prendre place dans la civilisation moderne se trouve l'Afghanistan. Il en a été question à plusieurs reprises, cet été même, à l'occasion d'un mouvement insurrectionnel provoqué par les réformes et les aspirations occidentales du souverain Amanullah Khan. Celui-ci, un instant menacé dans sa capitale, a eu raison des rebelles et a raffermi son autorité; et il vient d'envoyer à Paris un nouveau ministre plénipotentiaire, le maréchal Mohamed Nadir Khan, pour faire appel à la collaboration économique, industrielle et commerciale de la France.

Nos lecteurs se souviennent, d'autre part, d'un article paru dans notre numéro du 11 mars 1922, sous le titre : Un Pays qui renaît au centre de l'Asie, et qui, à une époque où l'Afghanistan n'était pour ainsi dire pas accessible, car il fallait traverser pour s'y rendre la Russie bolchevique, esquissait pour la première fois un tableau d'ensemble de l'œuvre qu'a tenté d'accomplir l'émir Amanullah Khan. Le 5 janvier dernier, nous avons également publié quelques photographies fort curieuses représentant l'arrivée à Kaboul de la première légation française, la paix établie entre l'Afghanistan et l'Inde permettant désormais le passage par la frontière indienne. Un de nos compatriotes, qui a séjourné plusieurs mois en Afghanistan et qui a eu l'occasion d'étudier à fond cet Etat, nous communique, avec une documentation photographique d'un caractère absolument inédit, deux articles dont nous commençons aujourd'hui la publication. Le premier est relatif à l'Afghanistan lui-même, à son aspect pittoresque et à l'effort entrepris par son souverain pour le moderniser. L'autre, qui suivra, concerne les fouilles archéologiques effectuées depuis un an en Afghanistan par une mission française.

Dès les fils barbelés de la frontière indienne, au sortir de la passe de Khayber, l'Afghanistan apparaît comme un immense champ de pierre et de lumière. Une ligne ininterrompue de caravanes zigzague à travers ce paysage aride. Des hommes à fusils, bardés de cartouches, suivent des pistes qui semblent ne venir de nulle part pour n'aller nulle part. De temps à autre, une automobile passe, imprévue, cahotante, cherchant sa route vers Kaboul.

Telle est la première impression. Parfois, cependant, plus loin dans le pays, l'intermittente bande de culture qui longe la rivière s'élargit jusqu'à occuper tout le fond de la vallée. Une infinité de petits canaux arrosent des champs fertiles. De beaux jardins dressent la masse puissante de leurs grands arbres sur la clarté rose des fonds.

Ailleurs, une extraordinaire végétation se presse autour d'une source, dans un ravin de la montagne. Les chemins sont bordés de tous les arbres fruitiers de nos contrées : cerisiers, poiriers, pommiers, pruniers, pêchers, abricotiers, noyers; des buissons de roses, les églantiers et les jolis liserons de nos chemins creux les surplombent. Des bleuets, des coquelicots, des boutons d'or fleurissent dans les champs de blé et d'orge. Des vignes exubérantes descendent jusqu'à la plaine.

Jusqu'à plus de 2.500 mètres d'altitude, on retrouve de ces aspects de nos campagnes. Ils sont rares, – on peut voyager en Afghanistan, pendant des jours entiers sans rencontrer la moindre végétation, – mais ils suffisent à montrer ce que ce pays pourrait être, ce qu'il pourra devenir ou redevenir un jour, par la grâce de l'eau.

Cette eau précieuse est fort abondante au printemps, à l'époque de la fonte des neiges, et les Afghans sont extrêmement habiles à la manœuvrer. On voit couramment leurs ingénieux canaux circuler à des hauteurs invraisemblables, au flanc des montagnes. Souvent aussi, des conduits souterrains, à l'abri du soleil, amènent l'eau de distances considérables vers les champs de la vallée. Mais quelques rivières seulement ne tarissent pas pendant les mois d'été. Peu de terres, par conséquent, peuvent être cultivées pendant toute l'année.

Jadis, des millions d'hommes se pressaient dans la riche Bactriane aux mille villes aujourd'hui disparues. L'antique Arie, l'actuelle province de Hérat, l'Arachosie, celle de Kandahar, la Drangiane et la Sakasthéné, c'est à dire le bassin du Helmand et le Seïstan, étaient célèbres par leur fertilité. Le pèlerin chinois Huan-Tsang, qui traversa l'Afghanistan au début du septième siècle, parle des jardins et des lacs merveilleux qu'il vit à Hadda, près de Nagarahara, la moderne Djelalabad. Le site de Hadda est maintenant un vaste désert raviné où ne semblent plus vivre que «la palpitation du vent et la vibration de la chaleur», mais où l'on retrouve, au bas des anciens monastères, dans l'immense lit des rivières sans eau, des vestiges de barrages et de quais.

Nulle part plus qu'à ce carrefour des grandes routes de l'antiquité, la vieille Asie n'a vu passer plus de peuples différents. Nul pays ne subit un tel assaut d'invasions incessantes, assyriennes, médiques, perses, grecques, scythes, parthes, koushanes, hunniques, turques, arabes, mongoles. Depuis les migrations aryennes, à l'aube de notre histoire, tous les conquérants tentés par les richesses fabuleuses de l'Inde franchirent les mêmes cols de l'Hindou Kouch et descendirent les mêmes vallées du Kaboul. Par les mêmes voies, Alexandre, Timour Lang, Baber envahirent l'Inde, et le bouddhisme, d'étape en étape, gagna l'Asie centrale. Ces routes, les plus célèbres peut-être du monde ancien, ont gardé jusqu'à nos jours leur importance commerciale et politique. Par l'Afghanistan, l'Angleterre rêva de joindre l'Inde à l'Europe, et l'Allemagne, en 1917, tenta d'attaquer l'Angleterre dans l'Inde. En ce moment même, les Allemands affluent en Afghanistan, cherchant un chemin d'expansion vers l'Extrême-Orient.


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