Image of Art. 268, janvier 2021 | document • Yves Levy, « L'homme du Jour : André Malraux », «Les Hommes du Jour», 20 juin 1935.

Art. 268, janvier 2021 | document • Yves Levy, « L'homme du Jour : André Malraux », «Les Hommes du Jour», 20 juin 1935.

Un grand souffle politique traverse la littérature française. Venus des lieux les plus éloignés, de tempéraments différents et parfois opposés, des écrivains aux talents les plus divers se rejoignent sur le terrain de la Révolution. Les uns adhèrent à un parti révolutionnaire, d'autres se satisfont de marquer leur sympathie pour les nouvelles doctrines sociales ; mais le même désir les anime de voir succéder à l'état capitaliste un régime socialiste ou anarchiste. André Gide, dont la réflexion est partie il y a plus de quarante ans du problème philosophique de la liberté, qui a ensuite reporté ce problème sur le plan pratique et affirmé qu'il n'y a de bonheur possible que contre les cadres moraux de la Société, intègre à son expérience ce fait nouveau : l'existence d'un État socialiste, et trouve en lui la solution d'un conflit qui lui paraissait éternel. Giono, qui exalte la vie (« j'ai écrit pour la vie, j'ai écrit la vie, j'ai voulu saouler tout le monde de vie »), condamne au nom de la vie le capitalisme parce qu'il engendre la guerre, honnit au nom du lyrisme le capitalisme, parce qu'il est fondé sur l'argent. Guéhenno a fait aussi la guerre ; il en est revenu sain et sauf, mais ses amis sont morts, qui avaient vingt ans comme lui. Sa conception sentimentale de l'homme (« nous ne sommes que les autres » et : « on ne remplace pas les amis de la vingtième année ») lui fait haïr la guerre, qui détruit l'homme dans sa chair et dans la chair de ses amis, la guerre et le capitalisme à quoi elle est liée. Et Roman Rolland et Barbusse, et combien d'autres sont venus à la Révolution par tempérament, par réflexion ou par horreur des combats !

Parmi les jeunes écrivains, ceux de la génération de l'après-guerre, l'enthousiasme révolutionnaire n'est pas moins grand. Beaucoup de noms seraient à citer, dont le plus connu est sans doute celui de Louis Aragon ; il écrivait, il y a une douzaine d'années : « Comment aurions-nous accepté le sort communément heureux de nos contemporains qui ont puisé dans Auguste Comte cette tranquillité de rejeter définitivement les problèmes métaphysiques ? » Il prit naguère contact avec le communisme, et voici que l'influence qu'Auguste Comte n'a pu avoir sur son esprit, Marx l'a tout d'un coup exercée.

Dans cette si grande diversité de chemins qui tous mènent à la Révolution (et l'on n'en a indiqué ici qu'un fort petit nombre), celui d'André Malraux présente un intérêt singulier. C'est qu'André Malraux apparaît, plus que tout autre, comme l'héritier d'une longue tradition intellectuelle française.

 

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