Pour prendre la mesure de la place qu'occupe le film de Malraux dans son œuvre complet, Henri Godard, professeur à la Sorbonne, propose de commencer par lui rendre son titre original : Sierra de Teruel. Alors se dévoile, du roman au film, l'infléchissement d'une pensée politique.
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Ce titre d'abord, qu'il y a toutes les raisons de préférer à Espoir. Celui-ci avait été choisi après la guerre par le distributeur du film pour tirer parti de la notoriété du roman. Mais précisément : cette quasi-identité a empêché que l'on reconnaisse dans Sierra de Teruel une œuvre à part entière, dont la comparaison avec le roman est passionnante, mais à condition que l'on ait d'abord reconnu l'autonomie du film (l'objectif de ce premier numéro de Présence d'André Malraux est de contribuer à cette reconnaissance).
Sierra de Teruel est d'abord le seul titre qui rende compte de la plus immédiatement sensible des transformations imposées aux données narratives qui passent du roman au film : leur hispanisation. L'Espoir, par la place qui y est faite à l'escadrille, est le roman de l'internationalisme. Toute la part de l'histoire constituée par les actions de l'aviation fait paraître au premier plan des étrangers venus de tous les coins de l'Europe. Français, Italiens, Anglais, Belges, Allemands, et même un Algérien, sont en Espagne pour défendre le principe d'une organisation républicaine de la société, contre la dictature et le totalitarisme. Ils sont certes au service du gouvernement espagnol : Magnin n'agit qu'en relation avec Vargas et Sembrano, responsables de l'aviation nationale, et avec les services de renseignement auxquels appartient Garcia ; d'autre part les combats terrestres sont, eux, très largement menés par les Espagnols. Mais, tous dans le roman parlant par définition également français, c'est à peine si certains lecteurs les distinguent, ces locuteurs espagnols, des autres.
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© Présence d’André Malraux sur la Toile / www.malraux.org
Texte mis en ligne le 22 avril 2012.