Texte repris du hors-série n° 1 de Présence d'André Malraux, 2004 : actes de la journée d'étude consacrée à «Malraux et l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France», BNF, 23 mai 2013.
Alexandra Kowalski
L’Inventaire Malraux : une conquête administrative et culturelle
Alexandra Kowalski, doctorante à la New York University et à l’EHESS, en s’appuyant sur les sources précieuses que sont les archives administratives et les témoignages oraux des membres fondateurs de l’Inventaire général, montre à quel point celui-ci mérite le nom d’ «Inventaire Malraux». Non seulement parce que, bien loin d’être un simple bricolage administratif, la mise en place de l’Inventaire général relève d’un montage institutionnel ingénieux qui assure l’omniprésence, à tous les niveaux de l’organigramme, de la personne et de la pensée du ministre des Affaires culturelles. Mais aussi parce que, en offrant le visage d’une opération concertée d’appropriation culturelle et symbolique, il apparaît comme un élément important du jeune ministère relevant d’une logique d’ensemble cohérente, dont les principes sont à rechercher dans la pensée de l’art et de l’action politique malrucienne.
La problématique de cette journée pourrait se formuler ainsi : dans quelle mesure l’Inventaire Général est-il un «Inventaire Malraux ? La question semble à peine se poser, tant la notion d’ «Inventaire Malraux» nous est aujourd’hui devenue familière, tenant lieu de réponse a priori. Le statut de l’Inventaire dans le projet intellectuel et institutionnel malrucien reste pourtant assez problématique – il l’est certainement plus que celui des Maisons de la Culture, qui sont à la création artistique ce qu’est l’Inventaire au patrimoine: une innovation institutionnelle audacieuse et symboliquement significative du Ministère Malraux, marquant une rupture forte avec les politiques culturelles de l’ère précédente. D’une part, en effet, la paternité du projet d’Inventaire, contrairement à celle des Maisons de la Culture, ne revient pas directement à Malraux mais à des universitaires, André Chastel et Louis Grodecki, tous deux historiens de l’art, qui le lui ont soumis et qu’il a accepté. D’autre part Malraux semble s’être beaucoup moins investi dans la mise en place institutionnelle de l’Inventaire que dans celle des Maisons de la Culture. En témoigne le peu de textes originaux dont on dispose. Si l’on a bien quelques préfaces de publications et quelques brèves envolées annonçant cette création devant le Parlement, on peut regretter en particulier de manquer de la version complète du discours qui inaugure le lancement de la première Commission nationale de l’Inventaire, dont seuls de petits morceaux reconstitués figurent sur toutes les brochures d’information publiées depuis celle de 1964. C’est que Malraux n’était pas attendu ce jour-là. En l’absence de sténodactylographie, le Secrétaire Général s’est lui-même chargé de prendre en notes, à la volée, les paroles du Ministre. Rien d’équivalent donc aux grands textes écrits pour les ouvertures de Maisons de la Culture et recueillis avec soin par les lieutenants et amis de l’intellectuel.
Comme en témoigne cette rencontre en tout cas, la problématique de l’«Inventaire Malraux» n’est pas épuisée. Plusieurs approches sont proposées ici. MM. Melot et Zarader établissent le lien entre l’homme et l’institution dans sa dimension théorique et conceptuelle, en analysant la place de l’Inventaire dans la philosophie de l’art de Malraux. Madame Balsamo propose une réflexion de type culturaliste sur la perception et la mémoire de Malraux à l’Inventaire. M. Laurent s’attache à son inscription institutionnelle dans les politiques patrimoniales du Ministère. Je vais pour ma part tenter d’apporter un complément à cette approche institutionnelle en présentant et en analysant un point de vue particulier sur la création de l’Inventaire : celui de l’administration du Ministère Malraux, c’est-à-dire plus particulièrement de son Cabinet et de sa Direction de l’Administration Générale.
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Texte mis en ligne le 11 juin 2016
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