D/1950.02.18 — André Malraux : «Malraux parle», «Le Rassemblement», 18 février 1950

«Malraux parle», extraits du discours prononcé au Vélodrome d'hiver, le 11 février 1950, Le Rassemblement [Paris], n° 148, 18 février 1950, p. 1.


 

 

Malraux parle (Le Rassemblement, 18 février 1950)

 

On aurait voulu que tous ceux qui, le lendemain, allaient marcher tristement derrière Thorez et Marty de la Bastille à la République aient pu entendre ces mots :

« Où en est aujourd'hui le communisme ?» Je laisse le problème des déviations intérieures qui regardent M. Duclos et M. Thorez. Sur le plan de l'histoire, il s'agit de toute autre chose. Le communisme a été à sa naissance une abstraction projetée dans l'avenir, c'est-à-dire ce qu'on appelait alors une utopie.

Il a cessé d'être une utopie le jour où une réalisation concrète, en Russie, a créé un pouvoir déterminé. Mais le communisme se veut à la fois une valeur d'ordre religieux et une science. Il fait donc appel à la réalité. D'où lorsqu'il est devenu le stalinisme, la nécessité du système de mensonges qui l'oblige à la fois à fermer ses portes et aussi à projeter sur les ouvriers de tous les pays du monde ce mensonge dont les ouvriers commencent à prendre conscience. Une idéologie socialiste est une chose, le stalinisme en est une autre. La réalité commence à filtrer; à l'heure actuelle, nos adversaires croient encore que nous serons assassinés par les chars de Staline, mais ils ne croient déjà plus que ces chars apporteront le bonheur aux ouvriers français. Alors commence à sourdre la mort de l'espoir.

Avant longtemps, pour des années, le monde, dans le domaine social, ne croira plus qu'à la réalité. Notre association du capital et du travail ne doit pas être une abstraction, une “utopie”, mais une suite de réalisations. Et elle ne touchera les travailleurs que dans la mesure où elle le sera.

Il faut que la présence ici du général de Gaulle soit une garantie de l'espoir de tous ceux qui, en France, ont droit à l'espoir.»

 

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