Image of Louise de Vilmorin : «Les mémoires inachevées de Coco Chanel», «Jours de France», 16 novembre 1971, n° 882, p. 132-134.

Louise de Vilmorin : «Les mémoires inachevées de Coco Chanel», «Jours de France», 16 novembre 1971, n° 882, p. 132-134.

Je ne regarde pas mes premières années comme faisant partie d'un temps lointain, étranger, où vivait une enfant que je reconnais mal, une enfance abandonnée dont la réalité n'a pas plus d'importance que celle d'une personne incapable de nous juger. Non, l'enfant que je fus est avec moi, aujourd'hui. J'ai réalisé ses projets. J'ai satisfait ses goûts. C'est d'elle que je tiens l'exigence et c'est elle que j'ai su contenter. Aucun être ne m'est aussi proche. Elle me doit tout et je lui dois ce que, dans un certain domaine, j'ai pu donner à mon époque. Ensemble nous rions souvent, nous échangeons plus d'un clin d'œil, mais quant au travail, c'est moi qui l'ai, seule, accompli.

Je suis née en Auvergne, où mes parents habitaient un village situé à une trentaine de kilomètres de la petite ville d'Issoire. Le mot «village» éveille souvent une idée de bonheur. On croit entendre jeunes et vieux chanter la vie au rythme des saisons. L'hiver, les toits sont bleus de neige et, pendant la nuit de Noël, les rues sentent bon la dinde et les crêpes.

 

Dans un petit village d'Auvergne

Ni le village où je suis née, ni notre vie familiale n'ont de rapport avec ces images. L'Auvergne, pays rude, montagneux et sauvage, ne sourit pas volontiers et notre maison, placée à l'écart d'un village solitaire, ne souriait que rarement.


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