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M. Ernest Outrey

Ernest Outrey est député de Cochinchine de 1914 à 1936. Il est propriétaire de L’Impartial, organe de presse des Français de la région de Saïgon, conservateurs et bénéficiaires directs du système colonial. Malraux attaquera les vues politiques, sociales et économiques du député dans L’Indochine puis L’Indochine enchaînée.



Ernest Outrey, Député de Cochinchine, Délégué du Cambodge au Conseil Supérieur des Colonies, «L'Indochine, inépuisable réservoir de matières premières», Le Monde illustré, 16 décembre 1922, n° 3391, p. 523-524.

 

Toute notre politique coloniale actuelle étant conditionnée par la question des matières premières, il faut savoir quels sont les produits que nos possessions lointaines peuvent envoyer pour l'alimentation des usines de la Métropole. Quelles en peuvent être les quantités utilisables en France, et quel est le maximum de rendement qu'outre-mer on est en droit d'espérer ? Dans quelles mesures doit-on proportionner les diverses productions de nos différentes colonies de façon à éviter des efforts inutiles et des causes de crises économiques locales ? Comment et par quels moyens parviendra-t-on à surmonter la concurrence étrangère et à établir une étroite endosmose entre la production industrielle française et celle de nos terres lointaines, la première conditionnant en quelque sorte la seconde ? On voit donc que la réalisation d'une telle politique est complexe et qu'elle comporte l'établissement d'inventaires précis par produits et par colonies, l'étude des besoins du marché français, l'examen des conditions dans lesquelles les firmes métropolitaines achètent les matières premières à l'étranger, la mise sur pied d'organismes de renseignements coloniaux en France et non seulement à Paris, mais répartis dans toutes les grandes villes, la poursuite sur place de vastes programmes d'outillage économique et, enfin, l'élaboration d'un autre programme non moins important, celui qui vise «l'ajustement» des différentes productions de l'ensemble de notre plus Grande France. Ce vaste plan demande la collaboration de tous ceux qui veulent libérer la Métropole des lourdes conséquences des changes étrangers et qui ont conscience, comme ne cesse de le réclamer le Conseil supérieur de la Défense Nationale, qu'il y a une impérieuse nécessité pour la France à ce que, grâce aux multiples ressources de nos colonies, nous ne soyons pas, en cas de guerre, tributaires de l'extérieur tant pour alimenter nos troupes et notre population, que pour assurer à nos usines les matières premières nécessaires. Il n'est donc pas trop exagéré d'affirmer que toute notre politique coloniale présente gravite autour du développement rationnel et coordonné de la mise en valeur des richesses quasi latentes du sol et du sous-sol de notre beau Domaine d'Outre-Mer.

Ces considérations générales exposées, je voudrais indiquer ici, d'une façon sommaire, quelle peut être la part de notre belle Indochine dans l'accomplissement de ce plan de politique coloniale de matières premières que je viens d'évoquer.

Il y a lieu tout d'abord de déterminer quels sont les principaux produits que l'Indochine est susceptible d'exporter.

Au premier rang doit être placé ce merveilleux produit alimentaire, le riz, qui sur mes instances incessantes et réitérées, vient d'être admis dans la planification.

En 1922, l'Indochine a exporté plus de 1 million 720.000 tonnes de riz (c'est le chiffre le plus élevé constaté jusqu'à ce jour), aussi cette colonie se classe le deuxième pays du monde comme producteur de riz. En effet comme l'indiquaient dernièrement les statistiques du remarquable palais d'Indochine à l'Exposition Coloniale de Marseille, pour la période décennale 1911-1920, la Birmanie accuse une exportation moyenne de 1.821.000 tonnes, l'Indochine 1 million 224.000 tonnes et le Siam 863.000 tonnes. Ce sont en effet ces pays qui sont les principaux exportateurs de riz. Or il est à remarquer que la Cochinchine qui est un grand producteur pourrait cultiver 3.500.000 hectares en riz, alors qu'elle n'en cultive que 1.800.000 hectares.

Si le riz représente pour l'Indochine un des plus puissants éléments de sa prospérité économique actuelle, le coton apparaît comme devant nous assurer aussi, lorsque nous aurons complanté les terres du Cambodge qui se prêtent à la culture de ce textile, un très important courant d'exportation.

L'apport de l'Indochine en coton est pour notre si vivante industrie textile du Nord et de l'Est, d'une importance capitale car, ainsi qu'on le sait, les pays producteurs étrangers, la Louisiane, par exemple, voient les industries textiles locales accaparer de plus en plus les récoltes du pays, aussi, comme de jour en jour, l'exportation sur l'étranger diminue, il est à craindre que dans un avenir proche, il ne se produise une grande diminution dans les exportations américaines, ce qui aura pour résultat d'atteindre les pays qui tout en utilisant cette matière première, n'auront pas eu la prudence de se réserver des centre producteurs. Or nous avons la chance d'avoir au Cambodge un pays merveilleux pour la culture du coton. Pourquoi donc ne pas développer cette culture dans cette région ?

Un autre textile «indochinois» intéresse très directement l'industrie française, c'est la soie. Nos usines de Lyon et de Saint-Etienne sont tributaires du marché chinois pour les soies grèges, la production syrienne étant notoirement inférieure aux besoins de notre grande industrie de la soierie. Or, plus nous allons et plus le marché chinois se ferme devant nos acheteurs en raison de l'âpre concurrence des maisons américaines et japonaises et de la baisse du pouvoir d'achat du franc. La sériculture indochinoise va donc, par son développement, nous permettre de fournir à nos usines lyonnaises l'indispensable matière première.


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