Côtés dans les catalogues, en vente chez tous les bons négociants : il y a cent ans, les timbres des Sedangs faisaient partie des nouveautés ordinaires. Jusqu'au jour où Charles-Marie-David de Mayréna, alias Marie 1er, roi des Sedangs, tomba en disgrâce. Les timbres ne s'en sont toujours pas relevés.
«Sa majesté Marie 1er, roi des Sedangs, dont j'ai l'honneur d'être l'agent accrédité, me charge de vous adresser cette collection de timbres en service dans l'administration des Postes de son royaume».
La circulation est datée de 1889, et signée d'un marchand parisien de l'époque. Par l'intermédiaire de ce «ministre des Postes» improvisé, Marie 1er offre généreusement une sélection des timbres de son «royaume» aux Administrations alliées qu'il a bien voulu honorer de sa confiance. Et il leur fait demander, «à titre de réciprocité», un «égal nombre de séries, tant de leurs émissions actuelles qu'anciennes»…
A Londres, au Cap ou à Madrid, où l'on reçoit alors la royale missive, les Postes nationales découvrent, perplexes, l'existence du nouvel «Etat» et contactent discrètement les Postes françaises : qu'en est-il des «Sedangs» ? Réponse embarrassée de Paris : oui, il existe bien, en Indochine, un dénommé Charles-Marie-David de Mayréna, dont la presse métropolitaine a récemment relaté l'avènement au trône des «Sedangs» (du nom de l'une des tribus qui peuplent les plateaux Moï de l'Annam). Oui, les autorités coloniales d'Indochine semblent avoir accordé leur bénédiction au couronnement de Mayréna, devenu Marie 1er. Oui, des timbres ont bien été imprimés à Paris, aux armes de la «maison royale». Mais les Postes françaises formulent aussitôt de sérieuses réserves : elles n'ont rien à voir avec l'émission, dont l'initiative appartient exclusivement au monarque. De plus, l'Union postale universelle vient de refuser d'accueillir en son sein le nouvel Etat. En clair : l'affaire sent le coup fourré…