C'est au cours de ces études que je suis un séminaire en 1965 sur Bernanos et Malraux enseigné par le premier grand critique de Malraux, W.B. Frohock. Pour nos mémoires de fin de cours, il nous a préparé un certains nombre de sujets qu'il savait valoir la peine d'être creusés; on devait chacun en choisir un, à l'aveuglette. Je ne sais plus ce que j'ai choisi mais, ayant été frappé par le jeu de l'ombre et de la lumière dans les romans de Malraux, très visuels, j'ai obtenu son autorisation d'écrire sur “Ombre et lumière dans les romans de Malraux” – La Voie royale, La Condition humaine, et L'Espoir en l'occurrence. Cette vingtaine de pages se transformera cinq and plus tard en une thèse de doctorat : Vision and Blindness in the Novels of André Malraux – thèse entreprise contre l'avis de tout le monde : «Aucun département d'allemand ne vous engagera avec une thèse française, aucun département de français de toute façon puisque vous êtes essentiellement germaniste». «Zut! Me suis-je dit, j'ai un sujet qui m'intéresse, j'y vais». En fin de compte, cette bizarrerie ne m'a aucunement nui, au contraire très probablement. Quand j'ai eu terminé la thèse, tout en enseignant à plein temps, de très bonnes universités sont venues essayer de me recruter. Certains camarades écrivaient jusque 85 lettres de candidature sans trouver de poste.
Depuis j'ai sorti un certain nombres de textes sur Malraux, participé à des colloques internationaux à Paris, Verrières-le-Buisson, Cerisy (deux fois), Harvard – colloque que j'ai instigué et co-organisé en 2001 –, et Belfast (où je suis revenu sur la fameuse phrase de Malraux sur le XXIe siècle, phrase que j'ai entendue de mes oreilles lors du premier des deux entretiens que j'ai eus avec lui à Verrières-le-Buisson). Ce texte est disponible en pdf sur ce site: « “Nul n'est prophète” : Malraux et son fameux “XXIe siècle”». Il a été publié dans Revue André Malraux Review n° 35 (2008), 68-81.
Les circonstances de ces entretiens valent peut-être la peine d'être évoquées. Arrivé au château des Vilmorin à Verrières-le-Buisson pour le premier, au printemps 1972 – je dirigeais, cette année-là le programme d'études de l'Université du Massachusetts à Paris, dont un séminaire sur les romans de Malraux –, je suis accueilli par un Malraux habillé encore en ministre. Il m'introduit dans le salon bleu et nous verse un scotch sec très conséquent en déclarant, péremptoire : « D'abord, les choses sérieuses ! » Suit une heure passionnante où Malraux approfondit toute une série de questions écrites envoyées auparavant à sa demande. Il me rend mes feuilles dactylographiées avec de courtes réponses écrites à la main dans les marges dont une me reste gravée dans la mémoire. A ma question sur son obsession de la cécité et de la violence faite aux yeux, tout un chapitre de ma thèse, il avait écrit: « Non, non, non! » Il n'aborde pas ce sujet de lui-même; quand je repose la question de vive voix, il ne veut pas en parler et dirige la conversation sur d'autres thèmes. C'est pendant cet entretien qu'il prononce sa fameuse phrase sur le XXIe siècle et m'explique ce qu'il entend par là.
Pour lire la totalité du témoignage : télécharger le texte.
© www.malraux.org, 2011 (texte mis en ligne le 5 novembre 2011)