E/1971.07 — «André Malraux parle de Jean Vilar», propos recueillis par Françoise Verny, Magazine littéraire [Paris], n° 54, juillet-août 1971, p. 8-9.
André Malraux
André Malraux parle de Jean Vilar
Jean Vilar était un homme que j'admirais beaucoup, mais que je connais mal. Je l'avais vu jouer ses principaux rôles, et j'avais eu affaire à lui quand j'étais au gouvernement, puisque c'étaient nous qui avions organisé la salle d'essais à laquelle il tenait tellement. Je l'avais rencontré une ou deux fois alors qu'il était quasi inconnu, mais cela n'a jamais été plus loin.
Il a fait au TNP quelque chose d'extraordinaire, surtout si on pense à la façon dont il s'était servi de tout ce qu'il y avait de négatif dans ce théâtre pour en tirer des éléments positifs. Par exemple ses rideaux noirs qu'on a beaucoup critiqués. On oublie simplement que la salle était telle qu'on ne pouvait pas faire de décors à moins de disposer de moyens colossaux. Il avait inventé, ou plutôt utilisé, une austérité qui avaient été sensationnelle, à des fins tout à fait imposées : il n'aurait pas pu faire une Comédie-Française, alors il a eu de l'audace…