Avant d'entrer dans le sujet d'une communication qui portera sur l'interprétation que propose Malraux de l'art roman, je voudrais faire une remarque préalable. Le titre donné à notre rencontre « André Malraux et les antiquités nationales de la préhistoire au Moyen Age » s'explique par le lieu où elle se tient, ce Musée d'Archéologie nationale, mais il prêterait à un possible malentendu si l'on ne rappelait pas d'abord que le premier apport de Malraux à notre expérience contemporaine de l'art est d'avoir mis sur un pied d'égalité les arts du monde entier. Il est le penseur qui a pris acte d'une révolution culturelle intervenue en Europe au début du XXe siècle, du fait des possibilités de déplacement des personnes et de l'invention des moyens de reproduction des œuvres d'art. Désormais un Européen amateur d'art ne peut faire que, pour se rendre compte à lui-même de son expérience, il n'ait à prendre en compte aussi bien les arts d'Extrême-Orient ou d'Afrique que ceux de son propre continent. L'un des traits de plus grande portée de notre civilisation, Malraux ne cesse de le répéter, est de se sentir l'héritière de la peinture et de la sculpture mondiales, et sa relation aux œuvres en a été bouleversée. Le critère de notre appréciation ne peut plus être la notion de beauté d'après laquelle on avait jugé les œuvres pendant plus de quatre siècles. L'importance incomparable que l'art a prise dans cette civilisation tient à cet élargissement aux limites du temps et de l'espace, et à la mutation de l'expérience qui en est résultée. L'adjectif national, en conséquence, s'est chargé d'un possible sens second, qui est le refus de cet élargissement et de cette mutation, que Malraux a dénoncé dès les premiers exposés de sa réflexion sur l'art, dans plusieurs discours des années 1930. Il va donc de soi que, lorsque nous parlons d'œuvres nées sur le sol national, nous les considérons dans la perspective de l'art universel, comme l'un des réalisations de cet art, dont la spécificité se marque par comparaison avec d'autres. L'art roman est ainsi l'un de ceux qui a trouvé en France quelques-uns de ses plus grands accomplissements.
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Pour citer cet article :
GODARD, Henri : « L'art roman dans les écrits sur l'art de Malraux», article mis en ligne le 24 février 2009.
URL: <https://www.malraux.org/index.php/articles/697-20096godard.html>. Pages électroniques consultées le [date précise du téléchargement].