D/1933 — André Malraux : «[…Depuis 10 ans le fascisme étend sur la moitié de l'Europe ses grandes ailes noires]», extrait du discours prononcé par Malraux le 21 mars 1933, salle du Grand Orient, à Paris, à la réunion organisée par l'AEAR contre la terreur fasciste en Allemagne et contre l'impérialisme français. In Ceux qui ont choisi. Contre le fascisme en Allemagne, contre l'impérialisme français, préface de Paul Vaillant-Couturier. Paris, Association des écrivains et des artistes révolutionnaires, s.d., [1933], p. 14-15.
Intervention d’André Malraux
Depuis 10 ans le fascisme étend sur le moitié de l’Europe ses grandes ailes noires.
… Depuis 10 ans le fascisme étend sur la moitié de l'Europe ses grandes ailes noires. Si nous exceptons la France et l'Angleterre, nous pouvons dire qu'il tient à peu près la totalité du monde, sauf la Russie…
André Gide a fait allusion tout à l'heure à la comparaison qui peut être faite entre la terreur rouge et la terreur hitlérienne. Oui ! nous devrons agir et avant qu'il soit longtemps mener une action sans contre sang.
Il faudrait tout de même savoir quelle réponse concrète nous pouvons apporter ici. Elle me paraît avoir deux aspects. Je voudrais que nos protestations portent avant tout l'hommage fraternel des écrivains français aux écrivains allemands qui non seulement sont venus, mais nous ont fait le grand honneur de compter suffisamment sur nous pour savoir qu'ils seraient, ici, reçus.
Je voudrais dire encore que tous ceux qui sont persécutés aujourd'hui en Allemagne ne le sont pas tellement comme marxistes, et que, marxistes ou non, ce que ces écrivains ressentent avant tout, c'est la volonté de dignité.
Tout artiste doit choisir entre deux possibilités, c'est d'être de ceux qu'on paie ou de ceux qu'on appelle, et ceux qui sont ici ont choisi d'être appelés et non payés.
Avant tout le fascisme allemand nous montre que nous sommes peut-être en face de la guerre; n'oublions pas que nous devons faire les uns et les autres tout notre possible pour que la guerre n'ait pas lieu. Néanmoins si une guerre éclate – et c'est là que nous devons prendre nos responsabilités – nous savons comment elle éclatera, nous savons pourquoi; comme l'a dit Guéhenno, nous avons à faire à un gouvernement de sourds, tout ce que nous disons pour protester, nous le disons en vain et nous le savons. A un tel état de choses qui n'est lui-même qu'une menace, nous ne pouvons répondre que par une menace : quel que soit notre désir d'unité ouvrière nous saurons toujours trouver ceux qui servent véritablement le prolétariat; en cas de guerre, même si la Russie n'y est pas engagée, nous nous tournerons par la pensée vers Moscou, nous nous tournerons vers l'Armée Rouge.
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