Intervention de M. Regis Debray au colloque de la Sorbonne, 26 juin 2008.
Quelques balbutiements en contrepoint à ce que vient de dire Jorge [Semprun] et dans la ligne de ce que Michel Murat présentait comme l'objet de notre rencontre, la réception de Malraux. J'aimerais aller au-delà du Miroir des Limbes pour tirer au jour les résistances à Malraux. Sans doute, ce seront les miennes. L'idée psychanalytique de résistance implique une part de confession, mais je crois que ces résistances, en rejoignent beaucoup d'autres. Les anti-Malraux restent majoritaires et tenaces. Ils survivent aussi bien aux Antimémoires ou aux antiromans qu'au livre admirable de Jean-François Lyotard. Il y a de la débine dans l'air, depuis une trentaine d'années, et il est d'ailleurs curieux qu'un homme aussi étranger au dénigrement que Malraux et qui n'a jamais pris la plume que pour exalter, que pour louer, ait été aussi moqué lui-même. On pense au mot de Matisse sur Picasso : « Il n'y a que lui qui ait le droit de dire du mal de moi » – c'est évidemment l'objection qu'on a envie de leur lancer. Je vais donc énumérer ces quelques raisons. Je vous dirai tout de suite que je ne les partage pas, je me suis même permis de faire, il y a plus de trente ans, peu après la mort d'André Malraux, un panégyrique qui date de 1977 mais qui malheureusement n'est pas très connu parce qu'il a servi de préface à la réédition des Conquérants dans le club français du livre – cela s'appelait : « Malraux, le visiteur de l'aube ». C'était pour annoncer qu'il y aurait un retour de Malraux et pourquoi.