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Madame Valérie Pécresse, le professeur Bertagna et André Malraux

Valérie Pécresse, André Malraux et le musée imaginaire

Par Emmanuel Galiero. Publié initialement dans Le Figaro le 8 août 2016. Nous remercions vivement Madame Valérie Pécresse, Présidente de la région Ile-de-France, de l’autorisation qu’elle nous a donnée de publier l’article et des photos inédites.

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LES MENTORS – La présidente de la région Île-de-France a été très marquée par l’ancien ministre de la Culture qui fut un ami de la famille.

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans mais cette année-là, au lycée Sainte-Geneviève de Versailles, où Valérie Pécresse est pensionnaire, les enseignants avaient déterminé «l’art» comme thème de l’année en culture générale. Et ce n’était pas un hasard si la jeune étudiante en prépa HEC avait choisi Le Musée imaginaire d’André Malraux comme livre de chevet.

Dans cet essai, dont la première édition est parue en 1947, l’écrivain, futur ministre du général de Gaulle, s’interrogeait sur l’art et la culture, en proposant un inventaire très personnel d’œuvres.

À côté de Louis Bertagna, son grand-père corse, catholique, résistant, gaulliste de la première heure, passionné de politique et psychiatre pionnier dans le traitement de la dépression, Malraux fut un personnage déterminant dans le destin de Valérie Pécresse. Ami de la famille, il avait coutume de la surnommer «mon petit chat». On retrouve les traces de cette proximité avec la famille de la présidente LR de la région Île-de-France dans un essai intitulé Lazare, où l’écrivain avait croqué le grand-père de Valérie sous les traits d’un docteur britannique en tweed, alors que le médecin original était plutôt petit et brun. Mais la tendresse du surnom adressé à une fillette de huit ans par une figure du monde intellectuel fut sans doute moins influente que l’œuvre littéraire de l’ancien ministre d’État chargé des Affaires culturelles.

«La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert.» En se souvenant d’une leçon malrucienne, l’élue des Yvelines raconte comment elle avait pris l’habitude de collectionner les cartes postales au fil de ses visites dans les musées. Ainsi, elle avait pu composer son propre musée imaginaire comme elle découpa minutieusement les posters des merveilles du monde dans Télé 7 Jours avant de les coller sur les murs de sa chambre d’enfant.

Par un curieux hasard, son grand voyage autour du monde s’est bouclé lors d’une visite à Angkor à Noël 2014, là même où Malraux défraya la chronique, quatre-vingt-dix ans plus tôt, en tentant de piller des ruines khmères. Pécresse conserve aujourd’hui l’image de ce temple sur la page d’accueil de son téléphone

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«Je voulais faire partie de ces gens qui font rayonner et vivre leur pays, de ceux qui, un jour, allaient changer la France.»

Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France.

Lectrice inconditionnelle, elle redécouvre la littérature de Malraux en plein parcours étudiant et ces confrontations sont une révélation. Soudain, durant un stage d’été dans la banque, elle s’imagine de nouveaux horizons. L’élève de HEC vient de dévorer Les Antimémoires et Les Chênes qu’on abat. Elle a vingt et un ans et son projet de rejoindre Londres pour y suivre une voie royale dans la finance éclate en mille morceaux. C’est décidé, elle choisit la politique et entre à l’ENA en 1992, promotion Condorcet.

Le témoignage de Malraux, symbole vivant du gaullisme, influencera longtemps sa réflexion comme une petite musique murmurant l’importance d’être toujours au cœur de l’action. Elle comprendra plus tard les parts de légende du personnage mais, en vérité, ce murmure fut un rappel car, très tôt, l’enfant avait manifesté un intérêt pour la matière politique. Elle avait grandi dans l’atmosphère du gaullisme réformateur et social. Pendant la guerre, son grand-père avait hébergé des parachutistes anglais dans la chambre de sa mère avant de les exfiltrer vers Londres. Valérie Pécresse s’était forgé des convictions avec l’image prégnante de gaullisme d’après 1958, celui qui transformera la France. «Je voulais faire partie de ces gens qui font rayonner et vivre leur pays, de ceux qui, un jour, allaient changer la France», se souvient-elle, avouant l’ambition, chevillée au corps, de se trouver «là où les choses se décident».

Les messages d’André Malraux sur cette France universelle, phare pour le monde, ont abreuvé l’idéalisme politique de la jeune femme. Elle s’est construite en retenant l’idée qu’il est impossible de faire de la politique sans idéal et que chaque homme est libre de construire son chemin. Cette liberté, de parole et d’action, elle a d’ailleurs le sentiment de l’avoir atteinte réellement. Heureuse héritière du Malraux visionnaire, elle estime avoir une dette envers l’écrivain courageux et volontaire, acteur du «roman national». Comme lui, elle veut «agir» et «entreprendre». Lors du lancement de sa campagne des régionales en Île-de-France, Pécresse a fait référence à Malraux. «Les grands rêves poussent les hommes aux grandes actions.» Finalement, Malraux ne la quitte jamais. Elle sourit en découvrant une autre citation de l’ami de la famille. «On ne fait pas de la politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage sans.»