A l'heure même où descendait, dans la terre du petit cimetière de Verrières-le-Buisson, le cercueil d'un homme qui fut véritablement un sommet pour une masse mesquine, comme un phare pour une jeunesse enténébrée, toutes les voix qui se sont élevées pour saluer son départ, ont mis l'accent sur le sens de la «mission chevaleresque» que fut l'action d'André Malraux.
Certes, et la Croix de Gueules, avait déjà, en 1959, énoncé tout ce qui me séparait, en matière de foi et d'options, d'un homme qui, cependant, quitte à rester seul en face d'un monde d'incompréhension eut, tout au moins, toujours le courage de ses idées, même dans ses Métamorphoses, ce qui est la marque même du vrai Chevalier.
Encore une fois, la spiritualité d'André Malraux n'était pas la mienne, et les combats qu'il poursuivait ne furent pas les miens. Je n'en suis que plus aise pour m'incliner devant une dépouille qui dormira solitaire, comme l'aura toujours été, sur cette terre, l'Ame angoissée qui l'animait.
André Malraux, et ce n'est pas moi qui le dis, mais bien tous ceux qui l'ont connu, et ce qu'a si bien souligné un Premier ministre dans l'éloge funèbre du disparu qu'il prononça devant tout un peuple assemblé dans cette «Cour carrée» du Louvre, cœur même, depuis Charles V, de tout ce que la France a de grand, et que, ministre des Affaires culturelles, celui qui avait par-dessus tout la passion de l'Art et le sens de la Grandeur, avait prestigieusement rendue à la vie, André Malraux, répèterais-je après tant d'autres, avait justement cette intransigeance de la vraie grandeur et le culte de la beauté véritable; c'est cette Beauté qui lui fit édifier cet unique Musée Imaginaire, et c'est cette Grandeur qui lui fit, véritable Don Quichotte moderne, à chaque fois qu'il l'estimait, prendre parti de toutes ces causes, sans lui abandonnées, véritables causes perdues dont il se fit l'avocat, seules causes qui avaient justement besoin d'un défenseur tel que lui. Combat contre des moulins ? Là est véritablement le sens du dévouement et du désintéressement du Chevalier. La gloire de Don Quichotte, idéalement, a vaincu les moulins. Et on a pu dire, avec juste raison, qu'André Malraux n'avait pas, dans ses ouvrages, raconté l'Histoire, mais, qu'avec le recul du temps, prophétiquement, il avait contraint l'Histoire à s'identifier à la trame des livres que sa pensée avait forgés.