Claude Krief, «Le secret du rapport Malraux. – Ce que Malraux a dit à de Gaulle», «Le Nouvel Observateur», 2 septembre 1965, p. 2.

Claude Krief, «Le secret du rapport Malraux. – Ce que Malraux a dit à de Gaulle», Le Nouvel Observateur, 2 septembre 1965, p. 2.

 

Depuis quelques jours, à Paris, le secret d'Etat le mieux gardé ne concerne ni la santé du général de Gaulle ni le degré réel d'avancement de la force de frappe française. C'est le rapport Malraux sur son voyage en Chine. Le Quai d'Orsay, tenu partiellement informé, s'est trouvé dès le début hors circuit. Le Conseil des ministres n'a eu droit qu'à une version édulcorée tandis qu'au cours de deux tête-à-tête notre ministre de la Culture révélait les messages dont il était porteur d'abord, bien sûr, au général de Gaulle, puis, incomplètement, à M. Pompidou.

Les nations alliées n'ont jusqu'à présent reçu aucune communication officielle, quelque importants que puissent être leurs soucis dans l'affaire chinoise et un porte-parole américain pouvait déclarer non sans ironie, «je pense qu'en temps voulu nous recevrons les informations qui nous permettront de comprendre ce qui s'est passé». Si M. Peyrefitte a souligné l'importance du voyage du romancier-ministre, il n'a rien révélé du contenu de ses démarches. Pourquoi ce mystère ?

 

Les refus de Pékin

En fait le voyage de M. André Malraux est aujourd'hui la clef de la conférence de presse du général de Gaulle, le 9 septembre prochain. Mises à part d'importantes propositions de relance européenne, le général-président qui nous gouverne prépare de nouveaux plans d'organisation du monde et peaufine en ce moment même à Colombey sa tactique. Dans ces desseins l'incidence de la position chinoise est essentielle. Pour cette raison le général de Gaulle a retardé son habituelle conférence de presse du mois de juillet et a confié à André Malraux sa «mission d'information» en lui disant : «Allez donc voir ce que veulent au fond ces Chinois».

La Chine fascine, inquiète et déroute de Gaulle. Cela, même au moment où il escompte l'utiliser pour faire progresser certains de ses objectifs essentiels. Ceux-ci sont maintenant connus de tous les diplomates occidentaux : détruire l'ordre hérité de Yalta comme de Bretton Woods, briser l'hégémonie des deux grands et l'ensemble d'institutions qui leur permettent de maintenir cette hégémonie. Qu'il s'agisse de l'intégration européenne, de l'alliance atlantique, du «gold exchange standard», des Nations Unies telles qu'elles fonctionnent actuellement ou des efforts de non-dissémination des armes nucléaires, il n'y voit que la tentative de faire durer un ordre qui se désagrège.


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