art. 162, juin 2013 • Constant Trubert : «Les essais de Drieu (1921-1928)» (PAM n° 3, 2003)

On ne sait pas trop quand et comment Malraux a fait la connaissance de Drieu la Rochelle; sans doute vers 1927, dans le salon de Daniel Halévy qui les avait publiés l’un et l’autre dans sa prestigieuse collection «Les cahiers verts ». Emmanuel Berl a raconté comment Drieu avait sauté de joie à la publication des Conquérants devant la réussite du «petit copain ». Mais la dédicace des Conquérants à Drieu, respectueuse et distante, ne traduit aucune espèce d’intimité. II en va très différemment de Berl et de Drieu, puisqu’en février 1927 et jusqu’en juillet 1927, ils rédigent seuls un cahier «politique et littéraire», Les Derniers jours, dont l’incipit a frappé les esprits : « Tout est foutu. Tout ? Tout un monde, toutes les vieilles civilisations – celles d’Europe en même temps que celles d’Asie. Tout le passé, qui a été magnifique, s’en va à l’eau, corps et âme ». C’est signé Drieu, mais Berl n’est pas moins apocalyptique. En tout cas, Malraux n’est pas nommé dans ces cahiers, et il faudra attendre 1930 pour que Drieu, salue en termes messianiques, dans la NRF, « Malraux, l’homme nouveau ». L’enthousiasme de Drieu est tel qu’il s’approprie, par mimétisme, le genre malrucien de l’éclair et de la formule magique.

Malraux s’est exprimé fort bien et fort noblement sur son ami Drieu quand Frédéric Grover est venu le consulter vers 1958. Mais, jusque-là, il n’avait jamais énoncé, à notre connaissance un jugement sur Drieu. On ne sait donc pas comment il a lu, dans les années 1920, les essais de Drieu, ni même s’il les a lus – ce qui est tout de même hautement probable. Malraux, dans ses écrits, n’a pas l’allusion ou la désignation faciles, à la différence de Berl, qui, dès 1929, a admirablement compris et fait comprendre Drieu et Malraux dans Mort de la pensée bourgeoise, événement sensationnel dans les milieux littéraires du temps. Mais on peut supposer que Malraux a lu les essais de Drieu, d’abord parce que la gloire discrète du fantassin de Charleroi lui en impose et que le courage physique est alors la plus haute vertu, et ensuite parce que Drieu est extrêmement assidu à La Nouvelle Revue Française, où il a même tenu une chronique de spectacles, et où ses nouvelles ont retenu l’attention. Comme Montherlant, comme Morand, Drieu représente la nouvelle génération littéraire; leur cadet de quelques années, Malraux, ne peut que les lire, les estimer, et aussi les imiter par certains traits.

 

Pour lire l’article, télécharger le texte.

 

© www.malraux.org / Présence d’André Malraux sur la Toile

Texte mis en ligne le 10 juin 2013

logo