Image of A/1951.12.21 — André Malraux : «A propos de l'entrée au Louvre de la collection Gachet – Une leçon de fidélité», «Arts», n° 338, 21 décembre 1951, p. 1.

A/1951.12.21 — André Malraux : «A propos de l'entrée au Louvre de la collection Gachet – Une leçon de fidélité», «Arts», n° 338, 21 décembre 1951, p. 1.

Bref extrait :

Dans la lumière de la fenêtre, L'Eglise d'Auvers est exposée pour la première fois. Ce tableau, qui n'a jamais été photographié, est un des plus beaux Van Gogh du monde, l'égal des Champs sous un ciel orageux et des Corbeaux (juin-juillet 1890, les dernières semaines de Van Gogh…). Le bleu furieux de son ciel rappelle celui du portrait du docteur, au Jeu de Paume, qui lui est énigmatiquement lié. Je pense au revolver, et la toile admirable que semble charger la fraternité de la solitude, répond sourdement dans mon cœur à la baie où s'encadrent les siècles magnifiés. Dans les immenses funérailles du vagabond Gorki, j'ai cru voir naguère la revanche de l'agonie inconnue et misérable du vagabond Villon; ici, la foi d'un seul homme, maintenue malgré la folie, maintenue malgré la menace de mort, s'égale à la ferveur de la multitude. Dans une version du Romancero, le Cid, vieilli et vêtu en pèlerin, revient à son palais. Nul ne l'a reconnu dans la ville. Il frappe, et on veut le chasser. Alors un des enfants qui jouent dans l'étroite rue rouge sous les sculptures héraldiques (et qui ne l'a jamais vu) vient à lui : «Moi je te connais : tu es Rodrigue».


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