art. 224, juillet 2018 | document • Les visites de Malraux dans 5 pays d’Amérique du Sud (1959)

Le voyage d’André Malraux en Amérique du Sud vu par Le Monde

(Brésil, Pérou, Argentine, Chili, Uruguay)

 

Déclaration de Malraux à Saõ Paulo :

Aux allusions faites à sa propre évolution, il a répondu en scandant les mots : «Je puis vous assurer qu'en ce moment je ne fais rien que je n'aurais fait il y a vingt ans en Chine ou en Espagne.» En assumant ainsi son présent au nom de son passé, il a haussé la voix pour s'exclamer : «Le général de Gaulle n'est pas fasciste. La preuve est que je suis avec lui et j'ai quatorze blessures au service de la liberté. Il n'y aura pas d'autre 13 mai en France, a-t-il continué, car maintenant il y a le général de Gaulle.»

A un journaliste qui évoquait le risque d'une scission dans l'armée, au sujet de la question algérienne devant une éventuelle décision du Président de Gaulle, M. Malraux a répondu que le général Massu n'oserait pas lutter contre une décision de De Gaulle. Dans l'esprit du peuple d'Outre-mer et du peuple français tout entier, le Général représente ce qu'aucun gouvernement avant lui ne représentait : la France.

Et de nouveau M. Malraux a scandé ce qu'il disait pour affirmer que la politique ne l'intéresse pas, c'est l'action pour la France qui l'intéresse, et c'est seulement parce qu'il y a le général de Gaulle qu'il a accepté d'abandonner son œuvre pour venir travailler à une œuvre plus importante : le salut de la France. «Je mets au service de la patrie ce que j'ai mis au service de la liberté».

 

A Rio :

«Il n'y a pas de différence fondamentale entre le plus grand héros humain et l'homme le plus humble qui meurt pour l'Algérie qu'il aime, puisqu'il y a ici un représentant du F.L.N.» Le ministre a abordé alors avec beaucoup de courage les questions les plus délicates. D'abord la torture. Un journaliste citait la préface de Sartre à la Question. Réponse de M. Malraux : «Moi, j'ai été devant la Gestapo. Pas Sartre. Pendant ce temps il faisait jouer à Paris ses propres pièces visées par la censure allemande. J'ai été ministre de l'Information, et pendant quatre mois, affirme-t-il, il n'y a pas eu de torture. Elle a réapparu depuis, c'est parfaitement vrai. Mais le général de Gaulle a fait ce qu'on n'avait pas fait depuis Cambacérès : il a confronté les plaignants et les policiers mis en cause. Quand le problème de La Gangrène est arrivé devant le Conseil des ministres je pensais à la prière de Péguy : “Mère, voici les fils qui se sont tant battus, ne les juge pas sur leur seule misère…” », et devant l'auditoire incontestablement ému, M. Malraux a expliqué les avatars de la lutte pour conclure sur un immense panégyrique du général de Gaulle, qui en dix-huit mois a fait plus que n'avait osé faire toute la Quatrième République en Algérie.

«Si la France s'en va d'Algérie, ce sera au nom de l'Algérie elle-même, a-t-il dit; le courage est donc de faire l'Algérie. Et de Gaulle la fera malgré tous les obstacles. Au lieu de gêner de Gaulle, il serait plus positif de l'aider contre ces obstacles.»

Sur la liberté de la presse en France M. Malraux s'est écrié en citant des articles de l'Express et de France-Observateur que c'est tout de même de Gaulle qui a supprimé les Comités de salut public, et pas ces journaux. Il faudrait, à son avis, que les Brésiliens aient d'autres opinions sur le Général et son entourage que celles qui sont fournies par des journaux dont la circulation constitue la preuve éclatante qu'il n'y a pas de fascisme en France. Mais M. Malraux ne s'est pas contenté de se défendre, il a essayé de montrer les côtés constructifs de la politique anticolonialiste du général de Gaulle. L'armée en Algérie n'est pas en réalité conforme à la représentation qu'on s'en fait à l'étranger, elle n'est qu'une réalité très variable. Sans rien cacher des difficultés du problème algérien, M. Malraux a protesté contre le parti pris de ceux qui voient dans les décisions du général la volonté délibérée de tromper le monde. Il serait plus noble de lui reconnaître ses bonnes intentions, dont beaucoup de choses se portent garantes

 

 

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Buenos Aires (décembre 2015)

 

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