Image of art. 265, juin 2020 • Françoise Theillou, «Le Sourire de “La Joconde”» – inédit.

art. 265, juin 2020 • Françoise Theillou, «Le Sourire de “La Joconde”» – inédit.

Françoise Theillou    

                                                                                         Inédit

Le sourire de La Joconde

 La Joconde n'aurait jamais pris la mer pour Washington si Jacqueline Bouvier n'avait été aussi curieuse de retrouver le patrimoine artistique de ses origines. Le voyage inaugural des Kennedy à Paris, du 31 mai au 2 juin 1961, est, au vrai, autant le sien que celui du nouveau Président. Lui-même l'a bien compris qui plaisante à son arrivée : « Je suis le type qui a accompagné Jacky Kennedy, et j'ai adoré ». Dans sa réponse au discours de réception du Général, il citera Jefferson : « Chaque homme de culture a deux patries : la sienne et la France ».

 Cette bostonienne a conservé la langue de ses ancêtres. Elle a suivi pendant un an des cours de Littérature comparée à la Sorbonne et appris l'art à l'Ecole du Louvre. Elle a aussi des lectures et s'intéresse à l'œuvre de Malraux dont elle a lu Les Conquérants, La Condition humaine et Le Musée imaginaire. Elle voit en lui un « homme de la Renaissance », peut-être quelque condottiere artiste, un « Médicis », par exemple. Pourquoi pas ?

Avant son départ, préparé de longue date, elle s'est bâti avec Hervé Halphand, Ambassadeur de France à Washington, et son épouse, un programme où la culture, une nouveauté, l'emporte sur les sempiternelles visites des First ladies dans les crèches et les établissements de bienfaisance. En tête, Versailles et la Galerie des Glaces et puis le Louvre, symboles de la Royauté française à laquelle elle est très attachée. Pour visiter bâtiments et musées, elle souhaite, tout simplement, la présence de Malraux à ses côtés.

Une semaine avant, jour pour jour, celui-ci avait veillé, seul, ses deux fils tués dans un accident de la route près de Beaune. Jacky Kennedy, apprenant son deuil, lui avait écrit un message lui demandant « de ne pas se soucier d'elle ». Mais, habitué du malheur, Malraux avait enchaîné et le lendemain des obsèques, livide, il était présent à la réception de Baudouin et Fabiola de Belgique à l'Elysée. Devant l'assistance médusée, il avait glissé à Madeleine : « Ne vous y trompez-pas. Nous faisons peur ». Le sourire (un tantinet carnassier) de « la gracieuse Madame Kennedy », (dixit le Général de Gaulle), fera le reste. Malraux, comme Baudelaire, est sensible à la beauté apprêtée, «maquillée», et «l'éternel féminin » n'est pas pour lui un vain mot. Jacqueline Kennedy est aussi une jeune femme des Années 60, dans la mouvance esthétique de l'actrice Audrey Hepburn, l'héroïne de Vacances romaines. Ne vit-elle pas alors, elle aussi, comme dans le célèbre film, l'aventure d'une altesse en terre latine ?

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