art. 128, avril 2012 • Document | Louis Page : «Souvenirs de tournage» (PAM n° 1, 2001)

Louis Page, ancien assistant de Jean Cocteau sur Le Sang d'un poète, fut le chef opérateur d'Espoir. Voici son témoignage, recueilli par Claude Lafaye en août 1986 à Moret-sur-Loing, sur les conditions d'un tournage qui fut surtout une aventure.

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Malraux faisait une tournée de propagande pour les Républicains. Negrin lui avait dit : « Si vous voulez faire quelque chose pour nous, je vous donnerai de l'argent. » Il a donc eu l'idée de faire un film. Pour Malraux, c'était sa forme de contribution à la guerre. C'est le seul intellectuel qui ait pris parti, dès le début, pour la République espagnole et qui ait combattu.

L'engagement

Il était très lié avec Corniglion-Molinier. Roland Tual était directeur de production mais il n'est jamais venu en Espagne. On a juste vu une journaliste qui était une amie de Josette Clotis. On a cherché un opérateur. Pierre Prévert m'a recommandé en disant : « C'est un type qui tourne dans toutes les situations, en extérieur, en intérieur, dans toutes les conditions, etc. » J'ai été convoqué. Il m'a fallu chercher une équipe. J'ai cherché un cameraman. Je voulais Alekan, mais sa famille ne voulait pas, ses parents ont jugé que c'était trop dangereux. Et c'est vrai qu'il y avait des risques. Finalement, j'ai un camarade qui a bien voulu venir (Thomas), à condition que je lui vende ma voiture au retour !

Je suis arrivé en juillet 38. Lui est reparti en octobre. Il était marié avec une Anglaise qui trouvait le temps long. Alors nous avons fait la connaissance d'un opérateur espagnol qui avait fait des courts métrages. Je l'ai pris comme cadreur et quelques uns de ses copains sont venus.

Le matériel d'éclairage était très vieux et il y avait peu de personnel. A mesure que Franco avançait, les gens nous quittaient : un jour on avait deux électriciens, le lendemain personne. Ils avaient été appelés.

On n'était pas payé là-bas, mais à Paris. Ce qui fait que l'on ne savait pas si on l'était. Mais on restait avec Malraux et avec les autres. Malraux était de rapport sympathique et agréable, bien sûr. Je ne l'ai jamais vu en colère. Il riait souvent. Malraux, lui, évitait tout ce qui était journaliste, c'est sans doute la raison pour laquelle il habitait ailleurs. On habitait sur la Grand Via qui va des remblas à la cathédrale. L'hôtel était plein de journalistes. Aucun rapport avec nous.

 

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© Présence d’André Malraux sur la Toile / www.malraux.org

Texte mis en ligne le 22 avril 2012.

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