La Nouvelle Revue française, renaissant de la guerre en 1919, est sans doute la plus belle revue littéraire qu’on ait pu lire en France. Aujourd’hui encore, dans les rayons de quelques bibliothèques, elle prodigue au chercheur ébloui des trésors, répartis selon une maquette inchangée en quatre parties, bien différenciées par leur typographie : les grands textes de création et de réflexion (essais, poèmes, extraits de roman), les chroniques reliées à l’actualité, les notes portant sur un livre déterminé, les notules, concises et ironiques à l’extrême. La marque propre de La NRF se trouve dans le style inimitable de ses notes, perspicaces et pénétrantes, et dans leur haute tenue intellectuelle: chaque livre retenu est matière à une dialectique menant du particulier au général, du singulier à l’universel. Pour le lecteur des années 1920 comme pour celui de 2003, ces notes sont une fête de l’intellect, et comme l’apogée d’une littérature qui se crée et se réfléchit dans le miroir de la critique.
Le tout jeune Malraux donne ses premières notes sur Gobineau et Max Jacob, et l’on peut présumer qu’il a choisi ces deux écrivains-là. On ne sait qui l’a introduit à La NRF, mais l’étude qu’il a donnée à la revue Action (éphémère) sur André Gide lui a certainement ouvert les portes du temple de la haute littérature – revue prestigieuse avant même que d’être une grande maison d’édition. Il faut bien distinguer la revue et l’éditeur. André Malraux va donner à Grasset La Tentation de l’Occident et Les Conquérants, mais c’est à la revue qu’il va donner un extrait majeur du premier livre, la totalité du second en prépublication. Grasset vend et diffuse mieux ses livres, avec son sens du lancement publicitaire. La revue, elle, consacre, légitime, et confère la longue durée à des textes toujours élevés, parfois altiers. Entre 1922 et 1930, Malraux donnera quatorze notes critiques à la revue. C’est à partir de 1931 qu’il accédera à la première partie du sommaire en particulier avec ses fracassantes préfaces données à D.H. Lawrence et à W. Faulkner.
On va suivre, au fil des mois, les essais critiques qui sont vraiment des coups de maître de critique, d’un tout jeune homme, pourvu de tous les dons : il a trouvé d’emblée, à vingt et un ans, sa voie, sa voix et son style. Son don de la formule est si évident qu’à le commenter on l’affaiblit. Sa culture spontanée et passionnée le porte vers les marginaux ou les rebelles des siècles passés, ou vers les francs-tireurs de l’actualité. Il ne traite ni des leaders de l’avant-garde ni des maîtres déjà classiques, mais de ces atypiques ou de ces farfelus qui se pressaient dans la revue Action, beaucoup plus que dans La NRF, déjà soucieuse de tenue et d’orthodoxie. Une seule fois, et dans le plus long texte, André Malraux va s’engager dans une polémique sévère avec un ténor de L’Action française, Henri Massis, en plaçant le débat sur un plan plus idéologique que littéraire. Il est vrai que l’enjeu est de taille, s’agissant des relations réciproques de l’Occident et de l’Orient.
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© www.malraux.org / Présence d’André Malraux sur la Toile
Texte mis en ligne le 10 juin 2013