art. 167, juin 2013 • Claude Travi : «Malraux et Balthus» (PAM n° 3, 2003)

Dans la lignée de Piero della Francesca et de Masaccio, imprégnée des lignes chinoises et japonaises, mais délibérément moderne – et en marge, l’œuvre de Balthus devrait toujours nous apparaître comme la tentative d’un homme qui voulait sortir du chaos de son époque. Il y a une ascèse dans l’usage qu’il fait de la couleur, où ses personnages sont pétrifiés, un instant, dans l’étrange immobilité de tout mouvement. Il n’aura cessé de chercher la vie dans ce qu’elle a de sacré.

Ce n’était pas tout à fait le même sacré qui obsédait André Malraux. Néanmoins, leur dialogue aura duré trente ans.

Evoquer les relations entre Malraux et Balthus, est-ce tenter de trouver de nouvelles clefs de compréhension pour l’écrivain et pour le peintre, car enfin, dans ses écrits sur l’art, Malraux se montre d’une discrétion inattendue sur le travail de son ami ?

Malraux eut-il l’occasion de voir l’exposition du peintre à la Galerie Pierre Loeb, en 1934 ? Leur première rencontre eut lieu à Genève, le soir du 21 décembre 1946, sous les emblèmes conjugués de Poussin, de Fautrier … et du chat. Ce même jour, dans l’après-midi, Malraux avait prononcé une conférence sur la « Défense des valeurs européennes », au cinéma Rialto, à l’initiative d’Albert Skira. La guerre froide était à son seuil, mais il en fut peu question au dîner du soir, où Skira avait convié à une table du Restaurant du Nord quelques amis. Entre Malraux et Balthus, une discussion assez vive s’engagea. « J’étais très impertinent à cette époque-là et j’avais douté de sa capacité de juger la peinture. Je voulais voir un peu », a confié le peintre dans un propos oral. Ce dernier évoqua les Saisons de Poussin, dont il admirait particulièrement l’alliance des tons chauds et des tons froids … Malraux répliqua en faisant l’éloge de Fautrier. Poussin, Marcel Arland en témoigne, avait été l’une de ses premières admirations. Puis, le thème du chat intervint. Sur la nappe de papier, Malraux dessina son modèle de félin. Il commença par le museau et les petites oreilles et d’un trait alla jusqu’à la queue. Balthus riposta, crayon en main. Pour lui, la singularité du chat réside dans le rapport de l’oeil et de la bouche. Il fut aussi question des fauves de Delacroix. Le King of cats défendait les siens … Au soir de sa vie, Balthus s’en souvenait encore avec une émotion amusée, quand on lui avoua que la nappe avait été pieusement conservée.

 

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© www.malraux.org / Présence d’André Malraux sur la Toile

Texte mis en ligne le 10 juin 2013

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